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Consommer bio : où en sont les marocains?

By mai 22, 2019 Actu

Alors que le bio est devenu une tendance de consommation, voire un vrai mode de vie, dans plusieurs pays du monde, le Maroc, fait office de mauvais élève dans la transition vers l’agriculture biologique. Où en sont les Marocains? Etat des lieux.

Texte Rim Keddabi · Photos DR

 

 

Quinoa bio, vinaigre de cidre bio, graines de chia bio, boissons végétales bio, farines bio, pains bio et sans gluten… mais aussi épices, thé, compléments alimentaires ou encore cosmétiques bio. Vous pensiez qu’on ne pouvait pas trouver de produits bio au Maroc? Détrompez-vous. De Rabat à Marrakech en passant par Casablanca, voilà un rapide aperçu de l’étendue des produits que l’on peut dénicher dans les rayons des magasins Green Village. Spécialisée dans la distribution de produits issus de l’agriculture biologique, cette franchise marocaine (anciennement La Vie Claire Maroc, groupe Distribio) est la toute première à se consacrer exclusivement à ce secteur. En outre, parmi les quelques 4.000 références proposées à la vente dans l’un de ses quatre magasins, environ 35% d’entre elles sont produites directement sur le territoire marocain. «Quand nous avons commencé, il y a neuf ans, il n’y avait rien», se souvient Zineb Laghzaoui, directrice générale du groupe Distribio. «Comme le Maroc est un pays agricole, tout le monde pensait à l’époque que la production était bio. Alors que c’est complètement faux.» Tandis que la distribution et la consommation de produits bio se développent à vitesse grand V à travers le monde depuis les années 1980, le Maroc accuse un sérieux retard en la matière. Par exemple, en Allemagne, chaque habitant mange aujourd’hui bio de façon régulière. Le Danemark est, quant à lui, en passe de devenir un pays totalement et exclusivement bio. Au cours de la dernière décennie, et sous l’impulsion de plusieurs acteurs, le Maroc va, timidement, enclencher une dynamique vers l’agriculture biologique. «Il y’a 10 ans, il y’avait trois groupes de personnes au Maroc : celui qui ne savait pas ce qu’était le bio, celui qui connaissait le bio mais qui ne savait pas comment faire pour le consommer et un groupe d’initiés qui ramenait des produits bio dans ses valises, car il ne trouvait rien ici. Aujourd’hui le premier groupe a complètement disparu», se réjouit madame Laghzaoui. Une méconnaissance que cette pionnière de la distribution bio a dû combattre à grand renforts d’ateliers de sensibilisation auprès des agriculteurs et d’actions de lobbying auprès des ministères, notamment par le biais de la création d’un Club des Entrepreneurs Bio (CEBIO). Mais qu’en est-il des consommateurs?

Nouveaux modes de consommation
«C’est en lisant des articles sur les ravages que pouvaient provoquer les pesticides sur la santé, que j’ai décidé de changer ma manière de consommer», explique Rita Benjelloun, conceptrice-rédactrice dans une agence de communication casablancaise. «Bien sûr, mon alimentation ne peut pas être 100% bio, mais je fais attention, j’achète mes produits dans des magasins spécialisés, et à partir du mois prochain je me ferai livrer des paniers de fruits et légumes issus de l’agriculture biologique.» Une initiative qui semble séduire de plus en plus de citadins, à en voir le nombre d’établissements qui développent ce genre d’offres, tels que Biozemmour, la Ferme Bleue, La Ferme Gaïa, Permacoop, le Potager bio, ou la Ferme nature pour n’en citer que quelques-uns. Les marchés bio eux aussi ont la côte, à l’image du marché bio Nature & Eveil qui se tient chaque dimanche à Rabat, du Petit marché souk écologique de Bouskoura ou encore du marché paysan de Mohammedia. Circuits courts, soucis écologiques, volonté de préserver sa santé, éthique… décidemment, le bio a tout pour séduire. Mais pour ses détracteurs, il y a pourtant un hic : le prix. Souvent bien plus élevé que pour les produits issus de l’agriculture conventionnelle. «C’est vrai que c’est un peu plus cher (compter environ 200 dirhams pour un panier de fruits et légumes allant de 10 à 15 kilos, par exemple), mais si c’est bon pour ma santé, c’est un investissement pour l’avenir, que je suis prête à faire», ajoute la jeune femme. D’autant qu’aujourd’hui, «on sait que ce n’est pas encore possible pour tout le monde, mais il existe une tranche de la population qui a les moyens  de consommer bio», rappelle madame Laghzaoui.

La santé dans l’assiette
Un investissement qui peut s’avérer gagnant et en faveur duquel plaident nombre de professionnels de la santé. Présidente de l’association Agissons Vert, qui a pour mission de sensibiliser les Marocains aux questions relatives au développement durable, Bouchra Boukili a conduit une vaste étude sur la question de l’impact de l’agriculture conventionnelle sur la santé. Et les résultats sont alarmants. «Il s’est avéré que, mis à part la pollution, l’alimentation jouait un rôle déterminant sur la santé. Diabète, cholestérol, hypertension… on se retrouve aujourd’hui avec des gens d’une trentaine d’années qui sont atteints de maladies graves. Des enfants naissent, quant à eux, avec des maladies chroniques ou des malformations. Pour vous donner une idée : le cancer du sein a quadruplé en 15 ans. On recense aujourd’hui 25.000 cas par an et ce, à partir de 25 ans!». La faute aux produits chimiques utilisés dans la production agricole intensive qui sont néfastes pour notre organisme et nos défenses immunitaires. «Pour augmenter notre consommation d’antioxydants, il nous faut revenir à l’alimentation de nos aïeuls, et donc à une agriculture biologique, respectueuse de l’environnement», estime-t-elle. Même son de cloche du côté de madame Laghzaoui qui estime que «nous devons reprendre le contrôle sur ce que nous mettons dans notre bouche. On nous fait manger n’importe quoi, on nous empoisonne.» Alors pour ce faire, il faut sensibiliser les consommateurs, mais aussi les producteurs. Car aujourd’hui, pour entamer une reconversion vers l’agriculture biologique, il faut avoir du courage. Un agriculteur qui aurait toujours utilisé des produits phytosanitaires pour sa production agricole devrait laisser reposer sa terre environ quatre à cinq années, avant de pouvoir entamer sa transition vers le biologique. Pourquoi? Parce que la terre est «morte», et qu’elle doit évacuer les produits chimiques, c’est-à-dire, se renouveler, avant de pouvoir accueillir un nouveau type de production, plus écologique. Un choix contraignant pour des agriculteurs qui ne reçoivent aujourd’hui aucun soutien financier de la part de l’Etat. Heureusement pourtant, les acteurs se mobilisent, des synergies se créent et le marché du bio se structure peu à peu. Preuve en est, l’organisation de la toute première édition du salon Bio Expo Maroc, qui se tiendra du 21 au 23 juin à Casablanca. Dédié aux consommateurs, il réunira une cinquantaine d’exposants issus de différents secteurs de la filière (alimentation, compléments alimentaires, produits écologiques de nettoyage et d’entretien, transport vert, emballages, cosmétiques…) afin de sensibiliser le public à l’urgence d’adopter une alimentation saine, mais aussi, lui faire découvrir les produits marocains issus de l’agriculture biologique. Au programme? Des ateliers, des dégustations, la possibilité de déjeuner bio sur place, mais aussi d’adhérer à une vaste «communauté du bio» grâce à une application – Bio Expo Maroc (déjà téléchargeable sur iPhone et Android) – qui donnera tout au long de l’année, à ses abonnés, des actualités et des informations sur la santé, le développement durable et le secteur du bio. Décidemment, le bio se conjugue déjà au futur.

 

Le bio c’est quoi?   
L’agriculture biologique est une méthode de production agricole, qui se veut respectueuse de la santé de chacun et de l’environnement. Elle bannit l’utilisation de produits chimiques (OGM, pesticides…) utilisés dans l’agriculture conventionnelle et intensive.
A ne pas confondre : produits bio et produits du terroir. Les produits du terroir sont, quant à eux, des produits liés à un pays et à un savoir-faire de sa population. Un produit du terroir n’est pas nécessairement biologique.