C’est une sonnette d’alarme que tire le professeur Omar Sefrioui, médecin spécialiste en gynéco-obstétrique. Si de plus en plus d’articles et d’études soulignent les bienfaits de l’allaitement maternel pour la mère, comme pour l’enfant, les statiques démontrent que, dans notre pays, cette pratique est en chute libre. Petit tour de la question.
Propos recueillis par Wissal Faris
Pour commencer, pourriez-vous évoquer brièvement les bénéfices de l’allaitement maternel?
Toutes les études soulignent ses importants bénéfices pour l’enfant, notamment en matière d’immunité. Un bébé nourrit au sein présente moins de problèmes digestifs et respiratoires (moins de risque d’asthme par exemple) ou encore de risques d’eczéma. Quant aux mamans, elles se protègent contre le cancer du sein, en plus du lien affectif qui se crée à chaque tétée.
Ces études ont-elles changé les comportements?
Au vu de ces données, l’allaitement a été activement encouragé en Europe durant ces dernières années. Les mamans sont bien briefées et encouragées à donner le sein. En Norvège, près de 98% des mamans suivent ces recommandations. En France, près de 2/3 des mamans qui quittent la maternité allaitent. Par contre, au Maroc, on assiste à un net recul de l’allaitement, ce qui a un impact sur la santé des bébés. Il y a 20 ou 25 ans, nous étions pourtant «bon élève» avec un taux de 50 à 60% d’allaitement, mais il est aujourd’hui tombé à 25% et, dans la majorité des cas, l’allaitement dure 1 ou 2 semaines puis l’on passe rapidement à une alimentation mixte (sein et lait maternisé).
Que faire pour endiguer le recul de l’allaitement?
L’accompagnement des mamans est essentiel. A l’étranger, les puéricultrices sont formées sur les avantages de l’allaitement maternel et elles sont très présentes, et surtout très tôt, aux côtés des mamans pour les accompagner afin de lancer rapidement le processus. C’est important car plus tôt l’allaitement est commencé, plus il a de chance de réussir et plus tôt il y aura montée de lait en suffisance. Lorsqu’un accouchement s’est passé normalement, on peut mettre le bébé au sein dans les 20, 30 minutes. Lorsqu’il y a césarienne, on commencera dans les 2 ou 3 heures qui suivent la naissance. Durant les 5 premiers jours, le colostrum, très riche en glucide et en produits adipeux satisfera tous les besoins de bébé tant que la vraie montée de lait (qui survient entre le 2ème et le 5ème jour) n’a pas encore eu lieu. Pas la peine d’ajouter un biberon de lait, au risque d’initier un cercle vicieux : boire au biberon demande moins d’effort au bébé que prendre le sein. Du coup, il peut refuser le sein, le lait ne monte pas et… on arrête toute tentative d’allaitement. Je suis aussi dubitatif devant la facilité avec laquelle les pédiatres font passer les bébés à l’allaitement mixte ou au 100% lait maternisé. Il faut vraiment encourager les mamans à poursuivre l’allaitement.
Comment aider la montée de lait?
N’oublions pas que l’allaitement demande aussi beaucoup d’efforts aux mamans. Il faut donc veiller à leur assurer un maximum de confort (il existe des petits matelas adéquats), et bien les conseiller (donner le sein 15/20 minutes puis changer de sein et veiller à commencer l’allaitement en alternance avec chaque sein, ce qui encourage la montée de lait dans les 2 seins). Il faut aussi que les mamans s’hydratent souvent. Le fenugrec, le fenouil ou encore l’anis sont connus pour améliorer la montée de lait. Il est impératif que les mamans qui allaitent ne boivent pas d’alcool (ou n’aillent pas au-delà d’un verre de vin) et ne fument pas, l’odeur pouvant déranger le bébé qui ne voudra plus prendre le sein.
Et lorsqu’allaiter devient douloureux?
Parfois les mamans souffrent de crevasse ou d’engorgement mammaire, cela peut même aller jusqu’à la survenance de petits caillots ou d’abcès. Il peut devenir nécessaire de soigner par voie médicamenteuse, parfois d’antibiotique. Cela signifie bien souvent l’arrêt de l’allaitement mais que les mamans qui sont dans ce cas le rassurent : leur bébé aura tiré avantage de chaque jour d’allaitement!