On ne présente plus Meryem Cherkaoui, la chef marocaine qui a prêté durant trois ans sa signature au restaurant du Mandarin Oriental. Celle qui a fait ses armes dans de prestigieux palaces français, avant d’ouvrir son propre restaurant au Maroc en 2003, puis de se réorienter vers le conseil et la formation, combine aujourd’hui sa passion pour la gastronomie et son désir de transmettre.
Propos recueillis par Rim Keddabi · Photos : DR
Comment êtes-vous entrée dans l’univers de la gastronomie?
L’année de mon bac, des amis de la famille ont commencé à discuter des métiers d’avenir au Maroc. Pour eux, le secteur le plus porteur était celui de l’hôtellerie-restauration. Je me suis alors renseignée sur les différentes formations à l’étranger et j’ai opté pour l’Institut Paul Bocuse (France). C’est là que j’ai atterri dans les arts culinaires et ce fut une très belle découverte.
Quelle a été la réception de votre famille quant à ce choix?
Dans le cercle familial, personne n’avait jamais travaillé dans ce milieu. A l’époque, d’ailleurs, ces métiers étaient encore très peu valorisés. Mes parents m’ont toujours soutenue, mais du côté de mes grands-parents, c’était autre chose : «pourquoi est-ce que tu vas faire de la cuisine à l’étranger?» me demandaient-ils avec beaucoup d’incompréhension.
Comment avez-vous vécu le fait d’être une femme dans un univers très masculin?
Je n’ai jamais vraiment ressenti cela ainsi. S’il est vrai que ce sont les hommes qui ont professionnalisé le métier, il y a toujours eu des femmes dans les cuisines. Dans ma formation, nous étions très nombreuses et nous venions des quatre coins du monde. Au fur et à mesure, j’ai appris à m’imposer, même parmi des brigades entièrement masculines. Peut-être est-ce lié à mon caractère, mais je n’ai jamais souffert de sexisme, car je me suis toujours sentie à l’aise, dans mon élément.
Vous avez tenu votre restaurant au Maroc – La Maison du Gourmet – de 2003 à 2011. Cela ne vous manque pas d’avoir votre propre établissement?
Non pas du tout, sans doute parce que j’ai eu mon restaurant très jeune, mais aussi parce qu’aujourd’hui l’aspect stratégique et managérial de ce secteur m’intéressent davantage. Je suis plus une chef d’entreprise qu’une chef tout court. J’aime toucher à tous les métiers, et par dessus tout, transmettre. Il y a un gros déficit sur la formation au Maroc, donc j’interviens en entreprise pour former les équipes. J’instaure un suivi de régularité et de qualité. Dans la gastronomie, on ne travaille pas à l’œil, il faut être précis, au millimètre près.
Vous avez aussi créé, avec vos associés, la marque d’épicerie fine Dima Terroir. A travers elle, vous valorisez le travail des coopératives de femmes marocaines.
J’ai toujours été proche de la terre : je m’intéresse aux produits avant de m’intéresser à la recette. J’ai voulu développer ces produits du terroir conçus dans les coopératives, en leur donnant une valeur ajoutée. J’ai donc formé les femmes en leur montrant comment améliorer leurs process, où gagner du temps. Avant les femmes n’avaient pas le droit de sortir, et maintenant elles ont un emploi et un salaire, c’est très valorisant pour elles.