En partenariat avec l’Unesco, la Fondation L’Oréal a remis, à l’occasion de sa 12ème édition au Maroc et sa 5ème au Maghreb, des bourses d’une valeur de 10.000 euros à cinq jeunes chercheuses maghrébines.
Hasnââ CHAABI,
chercheuse en Education et Pédagogie Innovante à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tanger
Comment a débuté votre aventure avec la Fondation L’Oréal?
Les bourses du programme Maghreb L’Oréal-Unesco For Women in Science (FWIS) visent à promouvoir de jeunes femmes scientifiques en les aidant à concrétiser leurs recherches. En 2017, je souhaitais déjà postuler mais mon projet ne me semblait pas encore suffisamment au point. J’ai donc décidé de retarder ma candidature. C’est un projet qui, du coup, a eu le temps de bien mijoter. Une fois satisfaite du résultat, j’en ai parlé au corps administratif de notre faculté et à mes professeurs ainsi qu’aux associations avec lesquelles je collabore en tant qu’animatrice et formatrice. Lorsque j’ai reçu un coup de fil me félicitant d’avoir été sélectionnée, ma joie a été vraiment indescriptible. Tout au long de la journée je me répétais : «C’est ta chance de réaliser ton projet de recherche!».
Pouvez-vous revenir en quelques mots sur votre projet de recherche?
Le projet avec lequel je me suis présentée au Programme FWIS représente une composante de mon projet de thèse. Le concept global de cette recherche s’articule autour de la participation à la résolution des problèmes que rencontre le système éducatif marocain (et ailleurs) en particulier dans le primaire. Nous nous plaçons dans une démarche qui consiste à apporter quelques réponses à cette problématique sur la base de méthodes scientifiques. Force est de constater que l’attitude consistant à appliquer un modèle emprunté à un pays développé est erronée. C’est pourquoi, nous cherchons à élaborer un modèle pédagogique qui prend en considération nos limites, notre culture et nos propres besoins. Plus spécifiquement, le projet présenté au programme FWIS vise à faciliter l’apprentissage d’une langue étrangère et ce, d’une façon naturelle dans un contexte de réalité virtuelle, ce qui permettrait en outre à l’enfant de développer une culture numérique positive.
Qu’est-ce que cela représente pour vous en tant que femme d’avoir obtenu ce prix?
Avant toute chose, c’est une reconnaissance, un encouragement pour la poursuite de mes travaux. Mon objectif demeurant de lancer, sur la base de mon projet, un mouvement permettant de voir éclore d’autres expériences, nous avons besoin de mobiliser toutes les ressources pour qu’ensemble nous puissions bâtir un monde meilleur pour toutes et tous.
Comment définiriez-vous le rôle de la femme dans le monde scientifique?
La femme a de tout temps participé au développement du monde scientifique, que ce soit explicitement en se faisant un nom dans l’histoire ou implicitement en étant l’épouse qui a soutenu un grand scientifique ou en étant la mère qui l’a éduqué et encouragé. Comme le fait la Fondation L’Oréal via le programme de FWIS, la société devrait donner à la femme plus de chance de prouver sa valeur en tant que scientifique. De nos jours, malgré l’émancipation des femmes et le pourcentage toujours croissant d’étudiantes, une grande majorité d’entre elles choisit de suivre des études courtes et évite les études scientifiques identifiées comme étant complexes et donc peu ou pas adaptées à la gente féminine. Malheureusement, les femmes élevées dans un système patriarcal acceptent encore trop souvent les stéréotypes qui le sous-tendent, notamment celui affirmant que la femme n’a que peu de réflexion logique et scientifique.
Quel est votre rêve scientifique?
Parlant des adultes, je voudrais tant voir se réduire l’ignorance sous toutes ses formes. Il s’agit à mon sens du pire fléau actuel, d’autant qu’il conduit bien souvent la majorité des gens à opter pour des choix illogiques. Pour les jeunes, je rêve de les voir se doter d’une éducation basée sur l’ouverture d’esprit, le sens des responsabilités et l’acceptation de l’autre malgré la différence. Cela leur permettrait d’être les bons citoyens de demain.
«L’éducation est la clé. Couplée à la discipline, elle est le levier qui peut aider toute société à fleurir et à s’épanouir. Elle a assurément le pouvoir d’orienter et guider nos enfants dans leur voyage sur cette terre.»
Houda Taimourya,
Chercheuse en Agronomie et Agro-Alimentaire à la Faculté des sciences de l’Université Mohammed V de Rabat
Comment a débuté votre aventure avec la Fondation L’Oréal?
J’ai entendu parler de la bourse par une ex-boursière de l’Oréal-Unesco FWIS du Maghreb édition 2015, le Pr. Mouna Fahr. C’est elle qui m’a incitée à postuler. Cette bourse l’a beaucoup aidée dans sa carrière professionnelle et elle a souhaité que cela puisse aussi contribuer à la mienne. Avec l’aide de mes superviseurs, j’ai donc commencé à préparer le dossier de candidature comprenant le projet scientifique et un aperçu de mon cursus universitaire. Par la suite, le dossier a été déposé directement sur le site internet. Je pense que la sélection s’est faite sur la base de l’excellence du parcours universitaire des candidates ainsi que sur la pertinence des sujets de recherche et les réponses qu’ils proposent à des problématiques nationales et internationales.
Pouvez-vous revenir en quelques mots sur le projet nominé?
Le Maroc est un pays à forte activité minière, d’où la présence de milliers de tonnes de déchets à l’air libre assurément nuisibles pour la biodiversité, l’environnement et la santé. Notre objectif est de repérer des plantes à fort potentiel de phytoremédiation et de les utiliser pour dépolluer et restaurer les sites miniers contaminés par des traces métalliques. C’est une technique à la fois économique et respectueuse de l’environnement. D’autre part, le recours au traitement magnétique permet d’optimiser l’utilisation des plantes pour la phytoremédiation et d’améliorer les processus d’absorption des polluants métalliques en vue d’assainir les sols et les eaux contaminés.
Qu’est-ce que cela représente pour vous d’avoir obtenu ce prix?
Cette bourse représente à la fois une grande fierté et un honneur d’être parmi les cinq lauréates des pays du Maghreb. C’est aussi une récompense vis-à-vis de mon parcours universitaire et de mes travaux de recherche. C’est également une aide financière qui va me permettre de pousser plus loin mes recherches et de travailler dans de meilleures conditions. C’est aussi la preuve que je suis sur le bon chemin.
Comment définiriez-vous le rôle de la femme dans le monde scientifique?
Que nous soyons homme ou femme, nous sommes finalement tous des chercheurs. Je pense que le problème des femmes scientifiques réside principalement chez les femmes elles-mêmes. Elles souffrent d’un manque de confiance en elles, ce qui les éloigne de la recherche et des sciences fondamentales. Il y a aussi ces préjugés tenaces sur l’incapacité des femmes à gérer leur travail de recherche en même temps que leur famille, ce qui entrave également leur réussite dans ce domaine. En tant que femme mariée et maman de deux enfants, je trouve que mes recherches n’affectent en aucune façon ma vie de famille. Je pense que les obstacles, on les crée souvent nous-mêmes. Il faudrait encourager les femmes à mieux s’insérer dans le monde de la science par des programmes et des fonds destinés à promouvoir la parité dans la recherche. Il faudrait aussi accorder plus de bourses et de prix dans le but de renforcer la participation des femmes à la recherche et récompenser l’excellence, comme c’est le cas de la Fondation L’Oréal dont les efforts ne sont plus à démontrer pour soutenir et encourager les femmes chercheuses et promouvoir l’image de la femme.
Quel est votre rêve scientifique?
Mon rêve serait de renforcer mes connaissances dans les domaines de la science, de partager mon savoir-faire avec un large éventail de personnes et au final laisser une empreinte positive dans la communauté scientifique en contribuant à l’amélioration de la qualité de vie de l’humanité.
Men For Women In Science
Lancé en mars 2018 par la Fondation L’Oréal, cette initiative vise à contribuer à une science mieux équilibrée en termes de représentation des genres. Les scientifiques masculins ayant fait le choix de se raccrocher à ce projet auront à cœur d’encourager véritablement l’égalité des chances au sein de la recherche et d’œuvrer pour un meilleur équilibre dans les publications et les droits d’auteur.