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Fadilah Berrada, la douce révolutionnaire du caftan

By décembre 6, 2019 Agenda

Le 12 décembre dernier, Fadilah Berrada tirait sa dernière révérence. Une perte immense pour toutes celles et ceux qui ont côtoyé cette grande dame de la haute couture traditionnelle marocaine. Comment se passer de son sourire, de sa voix douce, de ses conseils bienveillants pour les vrais créateurs mais aussi de ses regards acerbes pour ceux qui se contentaient d’imiter avec imprécision? Amoureuse inconditionnelle du caftan, elle a su le conduire vers une nouvelle modernité, l’assurance de sa pérennité. Au-delà des hommages qui lui ont été rendu, il nous reste à continuer de porter haut la tenue traditionnelle en espérant que tous les stylistes poursuivront l’œuvre que s’était assignée Fadilah : transmettre l’élégance marocaine aux nouvelles générations. Encore bravo, Madame et merci pour vos leçons de mode.

Texte : wissal faris

 

Une vie dédiée à la couture
Née dans une famille bourgeoise casablancaise, Fadilah Berrada est, très jeune, passionnée par le stylisme et le modélisme et elle a surtout envie de transmettre cette passion. Aussi décide-t-elle de se tourner vers l’enseignement. La voilà donc, à 18 ans, chargée de cours en coupe et couture au Collège Moissons Nouvelles des Roches Noires à Casablanca. Une première mission qui va durer de 1951 à 1956. Elle intègre ensuite le ministère de l’éducation nationale où elle est ballotée entre l’enseignement supérieur et le corps administratif, ce qui la tient bien trop loin de ce qui est important pour elle : créer avec l’aiguille et les ciseaux. En 1988, elle fait le grand saut : elle ouvre son atelier de couture au 39, rue El Alloussi, au rez-de-chaussée de la maison où elle vit avec sa famille. Histoire de bien souligner que la couture fait désormais partie intégrante de sa vie.

Tradition et transformation
En douce révolutionnaire, Fadilah Berrada met la couture traditionnelle à l’épreuve de son temps. Elle ne cessera de rafraîchir la mode marocaine, fidèle à la ligne de conduite qu’elle s’est tracée: réconcilier modernité et tradition. Les tissus sont à l’avant-garde de la mode et les coupes modernisées, ajustées à la taille, ce qui ravit ses fidèles clientes et… leurs filles. Fadilah veille aussi à ce que les broderies qui parent ses créations soient elles aussi uniques, le fruit d’un vrai travail de recherches historiques et de création. Résultat : les commandes augmentent et sa notoriété s’étendent bien au-delà des frontières du Maroc. En professionnelle, Fadilah Berrada souhaite également que le secteur se professionnalise, que les stylistes réalisent de vraies collection et que les podiums où défilent leurs créations soient à l’image des défilés internationaux.

L’aiguille comme écriture artistique
Fadilah Berrada disait souvent que son aiguille remplaçait la plume, les voiles, le parchemin. ses caftans étaient des œuvres uniques, réalisées dans un souci permanent du détail. Le hasard, ou plutôt le destin, fera croiser les pas de la styliste avec ceux de l’artiste contemporain Rachid Koraïchi. En voyant les créations de Fadilah, il lui lance «J’aimerais bien que mes calligraphies figurent sur des vêtements haute couture». Le défi est lancé et, en 1988, une collection exceptionnelle voit le jour. Chaque tenue arbore une broderie-poésie qui danse sur le tissus fluide. Ces oeuvres exceptionnelles ont été reproduites dans de nombreux livres d’art contemporain. Elles sont désormais des pièces muséales, un bel hommage international à cette grande styliste, née dans un pays où, malheureusement, les stylistes ne sont pas encore élevés au rang qu’ils méritent.