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Education : zoom sur les pédagogies innovantes

By avril 25, 2019 Enfant

Autonomisation, responsabilisation, respect d’autrui, bienveillance, développement individuel…voilà de bien jolis concepts mis en avant par de plus en plus de crèches et maternelles atypiques. Mais en quoi ces nouvelles pédagogies consistent-elles réellement? Plongée au cœur des courants de l’éducation nouvelle au Maroc.

Texte Rim Keddabi · Photos DR

 

 

Aller à l’école sans avoir l’impression d’aller à l’école : voilà en quelque sorte le credo de nombre de pédagogies innovantes qui fleurissent aux quatre coins du monde. Montessori, Freinet, Steiner-Waldorf… pour ne citer que les plus connues, sont autant de pédagogies alternatives (c’est-à-dire, se détachant du système d’enseignement traditionnel) qui prônent un apprentissage par le jeu, par l’autonomisation, par le volontariat, ou par l’entraide. De nouvelles façons d’éduquer les plus jeunes, qui poussent même certains professionnels à parler d’une véritable «pédagogie du bonheur». Ces nouveaux modes d’apprentissage, plus centrés sur l’individu et son propre rythme de développement, ont également fait leur apparition au Maroc, principalement dans les crèches et maternelles, au cours de ces dernières années. A regarder les effectifs de ces écoles particulières passer du quitte au double d’une année sur l’autre, force est de constater que ces nouvelles approches pédagogiques semblent séduire de plus en plus de parents (et d’enfants) à chaque rentrée scolaire. Arrivée il y’a quatre ans à Tanger, Alexandra Briand qui a suivi plusieurs formations sur la pédagogie Montessori en France, est aujourd’hui directrice de la toute première Ecole Montessori de Tanger, qu’elle a créée dans la foulée de son installation. «Parce qu’il n’y en avait pas.» explique-t-elle simplement. Forte de son succès, elle va devoir ouvrir une nouvelle classe pour les enfants de 3 à 6 ans à la rentrée prochaine, à peine sa première promotion sortie.  «C’est totalement à contre-courant de ce qui se fait au Maroc et de la manière dont l’éducation est généralement perçue, mais beaucoup de parents s’y intéressent : soit par curiosité, soit parce qu’ils n’adhèrent pas du tout au système traditionnel.» Ici, pas de notes, pas de cris, pas de punitions. Pas d’obligation non plus de rester assis ou de suivre à la lettre un programme précis, bien au contraire : l’enfant est libre de déambuler dans la classe au gré de ses envies et de choisir lui-même ce sur quoi il va travailler chaque jour.  «C’est une pédagogie très individuelle basée sur l’écoute et la bienveillance : on offre une grande liberté à l’enfant ce qui lui permet de développer une vraie confiance en ses capacités.»

«Pas de pédagogie unique»
Autre grande originalité de la pédagogie Montessori, qui dénote fortement dans le paysage scolaire marocain : les enfants sont mélangés par tranches d’âges. A Tanger, une classe baptisée la «communauté enfantine» accueille ainsi une quinzaine d’enfants de 18 mois à 3 ans, puis  la «maison des enfants» accueille les enfants de 3 à 6 ans sans distinction aucune entre ce qu’on appelle traditionnellement petite, moyenne et grande section. Pourquoi? «Parce que cela permet aux petits d’imiter les grands et aux grands de développer une certaine responsabilité envers les plus petits» explique la directrice. Même son de cloche du côté de La Chouette School sise à Casablanca, qui mélange elle la pédagogie classique (et ses cinq domaines d’apprentissages) avec différentes pédagogies alternatives (Montessori, Freinet, Charlotte Mason…) au sein d’un même cursus. Là aussi, les classes d’âges sont mélangées, ce qui permet de développer «l’entraide, le respect, et de renforcer la confiance des aînés» d’après Myriem Kettani, directrice de cette école ouverte en avril 2018. Cette maman de trois enfants, qui a poursuivi sa carrière dans la communication avant d’ouvrir l’école, dit s’être posée beaucoup de questions concernant leur éducation. «J’ai réalisé que chaque enfant était différent, et qu’il n’était donc pas logique de leur proposer une pédagogie unique. J’ai voulu créer un endroit où chacun pourrait apprendre et se développer à son rythme.» Dans son école d’un nouveau type, des professionnels interviennent tout au long de l’année dans les classes et chaque journée a son lot d’activités spécifiques : musique, théâtre, jardinage, motricité, art plastique, taï-chi…mais il peut aussi y avoir la visite d’une dentiste pour sensibiliser les petits au brossage des dents ou une formation aux premiers secours pour les encadrants. «La formation est continue.» rappelle-t-elle. De son côté, la directrice a elle-même développé la pratique du «kimoshi», une discipline  basée sur l’usage de figurines à travers lesquelles les enfants exécutent des jeux de rôles et apprennent ainsi à faire un travail sur leurs émotions. «Dès qu’ils ont développé leur langage, à partir de 2 ans, on peut leur demander d’essayer de comprendre d’où vient leur colère, leur joie ou leur tristesse.»

Le jeu au cœur de l’apprentissage
A la Chouette School, il y’a aussi beaucoup d’activités en extérieur : on jardine, et surtout on observe la nature. Et chaque trouvaille ou chaque interrogation devient ainsi le prétexte idéal au développement d’une nouvelle connaissance. Par exemple si un enfant trouve une coccinelle, la maitresse va demander aux autres enfants de réagir, puis profiter de cet atelier pour parler du changement de saisons et du cycle de la nature. «L’essentiel c’est que les enfants n’aient pas l’impression de travailler, qu’ils le fassent de manière naturelle.» Une méthode qui semble notamment porter ses fruits du côté de l’apprentissage des langues. A la Chouette School,  si le français reste la langue parlée par les éducatrices tout au long de la journée, elles introduisent également l’anglais et l’arabe de manière ludique, et ce, dès le plus jeune âge. Tandis que dans l’Ecole Montessori de Tanger, les classes sont bilingues : un jour on parle français, le lendemain on parle arabe. «L’apprentissage des langues est inné chez les plus petits, ils apprennent à parler par immersion», rappelle Alexandra Briand. Et les parents dans tout ça? Eux aussi sont accompagnés tout au long du cursus de leur enfant. Grâce à des rendez-vous ponctuels, le personnel de ces établissements qui sortent de l’ordinaire sont là pour leur rappeler les différentes méthodologies employées et la nature des dispositifs pédagogiques. A la Chouette School, des ateliers sont même organisés exclusivement pour les parents afin de leur permettre de développer la communication avec leurs enfants.

«Limiter le taux d’échec»
Au delà des pédagogies non conventionnelles développées par des chercheurs réputés, il existe encore d’autres alternatives au système éducatif que l’on connaît, avec des établissements qui choisissent par exemple de développer une discipline majeure sous toutes ses coutures. A Casablanca, la Crèche «les P’tits Solistes», créée en 2015, propose d’initier les enfants, dès leur plus jeune âge, à la musique. De 6 mois à 5 ans, ils baignent ainsi dans un univers musical tout en suivant le programme pédagogique classique. Chaque jour, à partir d’un thème prédéfini (Espagne, Occitanie, Grand Nord), ils découvrent des univers musicaux différents, mais apprennent aussi à développer leurs cinq sens, en travaillant sur les couleurs, les sonorités, ou en fabriquant des costumes. Ils s’essayent aussi à la pratique de divers instruments, si bien que dès 4 ans, nombreux sont ceux à en avoir élu un et à le pratiquer «assidûment». Sofia Rafai, directrice de la crèche, était auparavant salariée dans une école de musique de renom à Casablanca. Durant cette expérience, elle constate que nombre d’enfants sont «obligés» de pratiquer un instrument pour satisfaire les désirs de leurs parents. «J’ai voulu limiter le taux d’échec. Pour moi, il est nécessaire d’apprendre en s’amusant. J’ai toujours pensé qu’il fallait introduire la musique le plus tôt possible, pour les sensibiliser, leur donner une culture musicale et éviter qu’ils ne se sentent forcés ou frustrés plus tard.» Et force est de constater que ça leur plaît, puisque plusieurs enfants issus de la première promotion sortie en 2018, reviennent à la crèche le mercredi après-midi pour jouer de leur instrument. En attendant de pouvoir se développer sur les niveaux supérieurs (primaire, secondaire), chacune de ces écoles innovantes souhaite une seule et même chose : permettre aux enfants de s’adapter, de se réintégrer dans un parcours classique. Ce qui ne sera sans doute plus nécessaire très longtemps.

 

CARNET D’ADRESSES :        
Ecole Montessori de Tanger
Niveaux : Communauté Enfantine (18 mois à 3 ans) et Maison des Enfants (3 à 6 ans).
Frais de scolarité : 1600 DHS/mois.
www.ecolemontessoritanger.com

La Chouette School (Bourgogne, Casablanca)
Niveaux : Nursery, petite section et moyenne section.
Frais de scolarité : 6000 DHS de frais de  pré-inscription + 2500 DHS/mois environ.
Possibilité de se rendre à l’école seulement par demi-journée, ou de profiter de la halte-garderie.
Informations au tél. : 06.60.04.07.28

Les P’tits Solistes (Maarif, Casablanca)
De 6 mois à 5 ans.
Frais de scolarité : 2800 DHS/mois (nursery), 2400 DHS/mois (pour les 2 ans et +).
Informations au tél. : 06.07.22.25.55 ou sur : www.ptitssolistes.com