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Vers une Moudawana 2.0 et plus encore ?

By septembre 2, 2022 septembre 22nd, 2022 Actu

Le discours du Trône du 30 juillet dernier a revigoré les institutions et les milieux associatifs militant pour une égalité effective des hommes et des femmes. Évoquant d’importantes lacunes dans l’application du Code de la famille, Sa Majesté Le Roi Mohammed VI a appelé à une mobilisation générale de toutes les institutions du Royaume pour y remédier. En route vers une Moudawana 2.0 ou plus encore ?

 

« Rappelons une vérité essentielle : quand les femmes accèdent pleinement à leurs droits, elles ne portent aucun préjudice aux hommes, pas plus qu’elles ne se font tort. De fait, la condition sine qua non pour que le Maroc continue de progresser est qu’elles occupent la place qui leur échoit et qu’elles apportent leur concours efficient à toutes les filières de développement.»

Le discours du Trône a réaffirmé la vision royale d’une égalité effective des droits et obligations de tous les Marocains et Marocaines. Celle-ci avait déjà permis l’adoption, en 2004, de la « nouvelle Moudawana » qui constituait alors une avancée indiscutable des droits des femmes au sein de la famille et appelait à un changement des mentalités. Certains parlaient même de «révolution» qui avait d’ailleurs soulevé à l’époque de nombreuses voix d’opposition. Le discours du 30 juillet reprend les fondements de cette vision et répond déjà aux éventuelles protestations : « Rappelons une vérité essentielle : quand les femmes accèdent pleinement à leurs droits, elles ne portent aucun préjudice aux hommes, pas plus qu’elles ne se font tort. De fait, la condition sine qua non pour que le Maroc continue de progresser est qu’elles occupent la place qui leur échoit et qu’elles apportent leur concours efficient à toutes les filières de développement. » Voilà qui est posé.

Près de 20 ans après l’entrée en vigueur de la Moudawana, force est de constater que même certaines de ses dispositions principales ne sont pas effectives. Ainsi l’interdiction du mariage des mineurs n’a pas fait disparaître cette pratique. Plus de 13.000 dérogations ont été délivrées en 2020 par des tribunaux marocains ! Quant à l’égalité de droits de deux sexes lors du divorce, elle est loin d’être une réalité, qu’il s’agisse du partage des biens (la contribution des femmes, notamment le travail domestique, dans le patrimoine familial étant la plupart du temps largement sous-estimé) ou de tutelle des enfants (la garde des enfants étant attribuée à la mère tandis que la tutelle reste au père, une source d’entraves et de complications voire un moyen de change du père sur la mère. À cela s’ajoute la loi stipulant que le remariage de la mère induit automatiquement la perte de son droit de garde).

Outre ces quelques inégalités flagrantes, les associations et les experts ne cessent de souligner que, dans la réalité des tribunaux, la méconnaissance des nouvelles lois, la survivance de mentalités rétrogrades et la précarité socio-économique des femmes sont des obstacles avérés à la reconnaissance effective de leurs droits. Et, comme le souligne régulièrement le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), cette inégalité est également omniprésente dans la sphère pénale.

Le discours du Trône s’attache à réitérer l’esprit des réformes engagées par S.M Le Roi Mohammed VI depuis son avènement et son engagement pour qu’elles deviennent réalité : «La promulgation du Code de la Famille et l’adoption de la Constitution de 2011 qui consacre l’égalité homme-femme en droits et en obligations et, par conséquent, érige le principe de parité en objectif que l’État doit chercher à atteindre.» Il appelle aussi à une convergence de l’ensemble des institutions et des acteurs concernés. Un communiqué du collectif 490, fondé par Sonia Terrab et Leïla Slimani, qualifie ce discours de « Coup d’envoi du printemps des égalités 2.0 ». Amina Bouayach, présidente du CNDH, dans une interview publiée par H24Info, espère voir émerger «une approche inclusive en matière de législation relative à la garantie des droits des femmes, une approche qui vise l’harmonisation, l’homogénéisation des différentes dispositions entre la sphère publique où la femme joue un rôle croissant, dans le parlement, dans l’entreprise, dans les institutions, et la sphère privée où elle est toujours prisonnière de schémas dépassés. Les droits sont indivisibles entre le civil, le politique, le pénal et le familial.» ajoute-t-elle.

Les élans d’enthousiasme et d’espoir qu’a généré ce discours royal historique sont immenses ; l’énergie et la détermination des acteurs de la société civile aussi. Un grand chantier attend les politiques mais il vaut la peine que l’on s’y attache avec détermination. Ne s’agit-il pas tout simplement de consolider les bases d’un Maroc moderne et inclusif ?