Originaire du Haut Atlas marocain, Sara Chakir a tracé son propre chemin, refusant le destin traditionnel qui lui était promis. Ingénieure de formation et passionnée de montagne, elle a quitté la ville pour revenir aux racines et devenir guide touristique. À travers son engagement auprès des jeunes filles des zones rurales et son combat pour l’égalité, elle incarne un modèle de résilience et de liberté. Rencontre avec une femme qui a fait de l’éducation et de l’émancipation son moteur de vie.
En tant que guide, je prouve qu’aucun domaine n’est réservé à un sexe, et que la passion, l’expertise et la détermination transcendent les barrières de genre.
Quels sont, selon vous, les principaux défis qui restent à relever pour garantir une véritable égalité des droits entre les femmes et les hommes au Maroc ?
Après avoir quitté les grandes villes pour m’installer dans un village en montagne, j’ai pris conscience de deux défis majeurs freinant l’égalité entre les sexes au Maroc. D’une part, les inégalités en matière d’éducation persistent, en particulier pour les filles en milieu rural, réduisant ainsi leurs chances de poursuivre des études supérieures et contribuant à l’écart de compétences et de revenus. D’autre part, les normes sociales et culturelles, renforcées par des stéréotypes de genre, limitent la mobilité et les droits fondamentaux des femmes, entravant leur pleine participation à la vie publique et économique. Surmonter ces obstacles est essentiel pour atteindre une réelle égalité des droits.
La Journée des droits des femmes est souvent perçue comme une célébration, mais aussi comme un rappel des combats à mener. Pour vous, quel est le message essentiel que cette journée doit porter ?
Pour moi le message essentiel que cette journée doit porter est :
Les femmes ont un rôle fondamental à jouer dans la préservation, la valorisation et la transmission de notre patrimoine culturel. En tant que guide, je prouve qu’aucun domaine n’est réservé à un sexe, et que la passion, l’expertise et la détermination transcendent les barrières de genre.»
Dans votre parcours personnel ou professionnel, avez-vous été confrontée à des inégalités de genre ? Comment les avez-vous surmontées et quelles évolutions souhaiteriez-vous voir ?
Dans mon parcours, j’ai été confrontée à de fortes inégalités de genre, notamment à travers la pression sociale et familiale en faveur du mariage précoce. Dans mon entourage, la tradition imposait aux filles de se marier jeunes et de se consacrer aux tâches domestiques. J’ai ressenti cette pression dès l’âge de 13 ans, surtout après le mariage de ma sœur à 15 ans. On me répétait que ces obligations étaient essentielles, risquant ainsi de limiter mes choix et mon accès à l’éducation.
Pour m’en sortir, j’ai puisé dans ma détermination et cherché du soutien auprès de mentors et de personnes partageant mes aspirations. Malgré les obstacles, mon engagement envers l’éducation et l’émancipation s’est renforcé. Mon investissement scolaire m’a permis d’être sélectionnée pour représenter ma région au Parlement des enfants, une expérience décisive qui m’a ouvert les yeux sur l’importance de connaître ses droits et d’explorer d’autres horizons.
Aujourd’hui, je souhaite voir évoluer les mentalités afin que le mariage et les tâches domestiques ne soient plus perçus comme les seules options pour les filles. Il est essentiel qu’elles puissent choisir librement leur avenir, poursuivre leurs études et développer leurs ambitions sans être entravées par des normes sociales rigides.
Le Maroc a connu plusieurs avancées en matière de droits des femmes ces dernières années. Quel changement ou réforme vous semble aujourd’hui prioritaire pour renforcer ces acquis ?
La favorisation de l’accès des femmes aux rôles de leadership et de décision, ainsi que leur inclusion dans les processus politiques et économiques, représente une avancée indispensable pour consolider les droits des femmes et renforcer les acquis dans ce domaine. Cela permettrait de bâtir une société plus égalitaire où les femmes peuvent non seulement participer pleinement, mais aussi influencer activement les politiques et décisions qui les concernent.
Introduire plus de femmes dans les domaines et rôles cles de decisions et leadership , que se soit au niveau politique, économique ou culturel ( comme dans nos metiers de guides ).
Quelles femmes marocaines, d’hier ou d’aujourd’hui, vous inspirent le plus et pourquoi ?
Une de mes grandes inspirations des femmes marocaine d aujourd’hui est Zina bencheikh.
Tout d’abord c est un vrai exemple pour moi d’egalité des sexes dans des postes de leadership. En tant que dirigeante dans une entreprise mondiale de tourisme, Zina sert de modèle pour les femmes dans l’industrie. Elle milite pour une plus grande représentation des femmes dans les rôles de leadership, notamment dans des secteurs comme le tourisme, qui ont historiquement été dominés par les hommes.
Zina Bencheikh m’inspire particulièrement aussi , car au cours des cinq dernières années, j’ai opéré un changement radical de carrière, passant du métier d’ingénieur à celui de guide touristique. Ce changement n’a pas été facile, car j’ai dû faire face à plusieurs obstacles sociaux et culturels. Beaucoup considéraient ce domaine comme peu structuré et instable, et cela a été un véritable défi. Cependant, lorsque j’ai rencontré Zina, sa vision et son engagement pour l’autonomisation des femmes, ainsi que sa capacité à structurer des projets dans des domaines parfois perçus comme incertains, m’ont énormément inspirée.
Grâce à son rôle de leadership chez Intrepid, Zina Bencheikh a contribué à un débat plus large sur la façon dont le voyage peut être un outil de changement social, en particulier pour défendre et promouvoir les droits des femmes à l’échelle mondiale.