Loin du Maroc, les MRE vivent un Ramadan entre attachement aux traditions et adaptation aux réalités locales. Entre solitude, spiritualité et transmission, ce mois sacré prend une nouvelle dimension.
Si le Ramadan des MRE n’a plus tout à fait la même intensité culturelle que celui vécu au Maroc, il demeure un lien fort avec les racines.
Pour les Marocains Résidant à l’Étranger (MRE), le Ramadan est souvent un mélange d’émotions intenses : entre nostalgie, adaptation et réinvention des traditions, ce mois sacré prend une toute autre dimension hors du Maroc. Loin des appels du « mouaddine », des grandes tablées familiales et des saveurs emblématiques comme la harira et la chebakia, l’expérience du jeûne se vit différemment, entre solitude choisie et nouveaux repères.
Concilier tradition et réalité locale
Que l’on soit à Paris, Tokyo, Vancouver ou Lima, observer le Ramadan en tant qu’expatrié implique de jongler avec les contraintes du quotidien. Horaires de travail rigides, difficulté d’accès aux produits halal, absence de jours fériés pour l’Aïd : autant de défis auxquels les MRE doivent faire face.
Si certains s’efforcent de reproduire les rituels marocains, d’autres adaptent leur pratique. Certains privilégient un jeûne plus personnel, recentré sur l’introspection et la spiritualité, tandis que d’autres s’appuient sur les mosquées et associations locales pour recréer l’ambiance chaleureuse des iftars en communauté.
L’impact de l’expatriation sur la transmission des valeurs
Dans les grandes villes, notamment chez les étudiants et jeunes cadres marocains, le rythme de vie moderne impose un Ramadan différent. Rompre le jeûne seul, entre deux réunions ou devant un écran, devient une habitude pour certains.
Mais au-delà de ces ajustements, c’est surtout la transmission des traditions qui préoccupe les MRE, notamment les parents. Comment perpétuer les valeurs du Ramadan lorsque l’on grandit dans un pays où ce mois ne rythme pas la vie quotidienne ? Les familles marocaines expatriées redoublent d’efforts pour préserver l’esprit du mois sacré, entre héritage marocain et intégration dans leur pays d’accueil.
Deux Marocaines partagent avec nous leur expérience du jeûne à l’étranger
Sara, 34 ans, Tokyo :
Ramadan en solo, un choix parfois regretté, parfois pas
Directrice du département français et anglais dans une crèche francophone, Sara vit depuis deux ans et demi au Japon. Lors de ses premiers Ramadans, elle n’a pas cherché à rejoindre la communauté musulmane locale. « Je me disais que ce n’était pas indispensable, que je pouvais vivre mon Ramadan seule, d’autant plus qu’ici la communauté musulmane est principalement constituée de Musulmans de pays asiatique du coup nous n’avons pas exactement la même culture », confie-t-elle. Pourtant, au fil des ans, la solitude s’est installée. « Il me manque cette ambiance unique qu’on ressent au Maroc, le bruit des casseroles, les discussions autour de la table, même les odeurs dérangeantes à longueur de journée me manquent ! » Aujourd’hui, elle envisage de se rapprocher d’autres Marocains pour retrouver un peu de cette chaleur humaine qui fait tout le charme du mois sacré.
Elle nous rapporte qu’elle a dû adapter son F’tour avec les ingrédients qu’elle trouve au Japon. « Les journées en hiver sont plutôt courtes : levé de soleil vers 6h et coucher vers 17h donc ça va en termes de jeûne. Je mangeais ce qui me tombait sous la main, des sushis, du riz, du ramen à base de poulet, des yakitori (brochettes), des yakiniku (barbecue japonais)… ». Pour le repas avant l’aube, Sara mange ce qu’elle peut trouver au konbini (commerce de proximité proposant aliments et repas à emporter), vu ils sont ouverts 24h/24 !
Reem, 35 ans, Vancouver :
entre communauté et indépendance
Responsable marketing dans une grande entreprise, Reem a rapidement découvert que la communauté marocaine à Vancouver était très tournée vers la famille. « Pour les célibataires, c’est un peu galère », confie-t-elle. Elle a tenté de s’intégrer aux F’tours organisés par des communautés musulmanes, mais celles-ci étaient majoritairement animés par des traditions moyen-orientales et indiennes. « On y retrouve des samosas, du riz, mais peu de saveurs marocaines », nous explique-t-elle.
Contrairement à l’est du Canada, où les Marocains sont plus nombreux et disposent de commerces dédiés, Vancouver ne lui offre pas la même familiarité. « Ici, nous sommes une minorité, il est difficile de retrouver les produits et l’ambiance de chez nous ». Elle doit souvent attendre la visite d’amis ou de proches pour se procurer certaines épices et ingrédients essentiels à notre gastronomie. Avec le temps, elle a pris ses distances avec les rassemblements et préfère désormais un Ramadan plus personnel. « J’aime garder mes propres traditions culinaires ».