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Le cadre juridique et institutionnel passé à la loupe

By mars 28, 2019 Bien-être

Avec maître Khadija Rouggany, avocate engagée, nous avons entrepris de faire un point sur les différents volets juridiques ayant une influence spécifique sur le quotidien des femmes. Thématiques sujettes à débats, elles sont ici abordées à travers le prisme de la lutte pour le droit des femmes.

 

 

 

 

Le mariage
Régi par l’article 4 du Code la Famille, le mariage, s’il est synonyme d’événement fondateur dans la vie d’une femme, représente surtout le seul document qui justifie la relation conjugale. Définissant en effet le mariage comme «un pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d’établir une union légale et durable», il détermine les droits et les devoirs de l’épouse. Rappelons que celle-ci a, notamment, le devoir de cohabiter avec son mari et, comme droit essentiel, celui de la responsabilité partagée de la famille. Soulignons qu’aujourd’hui, les associations s’engageant dans la lutte pour l’égalité des droits des femmes soulèvent deux cas qui, pour elles, demeurent des sujets épineux :

Le  mariage des mineures
Afin de protéger les mineures, dans le cadre des mariages précoces, le suivi d’une procédure spécifique a été décrété lors de la réforme du code de la Famille en 2004. Les résistances continuant à être nombreuses (difficultés à faire évoluer les mentalités, à faire appliquer les procédures…), les taux enregistrés demeurent toutefois importants aujourd’hui. Notons aussi que si, la loi ne fait pas de distinction de genre, en réalité, le phénomène du mariage des mineures touche essentiellement les jeunes filles. Soulignons également que, par le mariage, la jeune femme devient légalement majeure et que dès lors, elle dispose des mêmes droits qu’une adulte et est dans la capacité d’entamer l’ensemble des procédures octroyées à une adulte (divorce, demande de pension alimentaire, notamment).

La polygamie
Si la polygamie est toujours autorisée au Royaume, avec la réforme du Code de la Famille, la procédure a connu un durcissement. L’article 42 stipulant que «Lorsqu’il n’existe pas de condition par laquelle l’époux s’engage à renoncer à la polygamie, l’homme qui désire prendre une autre épouse présente au tribunal une demande d’autorisation à cet effet. La demande doit indiquer les motifs objectifs exceptionnels justifiant la polygamie et doit être assortie d’une déclaration sur la situation matérielle du demandeur.» Les motifs évoqués peuvent notamment concerner la stérilité de la première épouse. En pratique, l’autorisation demandée n’est pas toujours fondée sur un consentement réel de la part de la ou les précédente(s) épouse(s), celle(s)-ci étant souvent victime de pression, voire même de violence afin que cet accord soit donné.

Le divorce
Le nouveau code de la famille a institué divers cas de divorce liés à des raisons de discorde, au manquement de l’époux à l’une des conditions stipulées dans l’acte de mariage, à un préjudice, au défaut d’entretien, à l’absence, au vice rédhibitoire ou encore au délaissement. Toutefois, l’état de femme divorcée au Royaume soulève encore de nombreuses interrogations et réclamations, le cas du droit de garde des enfants étant l’une des plus marquantes. En effet, dans le cas d’un remariage, la femme perd presque systématiques le droit de garde de ses enfants. Lors de la réforme de la Moudawana, des précisions importantes avaient été apportées. Depuis, son droit peut en effet être préservé dans trois cas bien précis dont on retiendra les deux plus courants : l’enfant qui ne dépasse pas l’âge de 7 ans et l’enfant qui est atteint d’une maladie ou d’un handicap rendant sa garde difficile à assumer par une personne autre que sa mère. Notons également que, lors d’un divorce, peuvent être prises en considération les dispositions spécifiques concernant la séparation des biens entre époux à épouse consignées dans un contrat annexe à l’acte de mariage. Cette pratique n’étant pas encore inscrite dans les mœurs, il convient d’en discuter entre futurs époux et de s’informer au mieux auprès de différents intervenants. S’il n’existe pas de contrat annexe, l’article 49 du code de la famille régit la séparation des biens. Notons que l’épouse devra notamment prouver à l’aide de justificatifs (chèque, crédit,…) qu’elle a bien participé à l’achat des biens du foyer.

L’héritage
Considéré comme hautement discriminatoire par nombre d’associations défendant le droit des femmes, le concept de l’inégalité successorale au Royaume a été remis en question. Récemment, un débat a été ouvert toutefois, face aux nombreuses résistances, cette disposition demeure d’application. Ainsi, rappelons que dans le cadre d’une succession entre frère et sœur, cette dernière dispose toujours de la moitié de la part de son frère. Aujourd’hui, les parents désireux de contrecarrer ces dispositions légales, ont recours, avant leur décès, à des donations ou à des ventes formelles. Rappelons aussi que, dans le cadre de la rédaction d’un testament, qui est l’acte par lequel son auteur constitue un droit qui devient exigible à son décès, il ne peut pas concerner plus d’un tiers de ses biens. Notons aussi que les héritiers ne peuvent pas bénéficier d’un testament en plus de leurs droits successoraux.

 

La violence à l’égard des femmes, quelles sont les avancées?  
Marqué par des décennies de militantisme de nombreuses associations de droit des femmes, la demande d’une loi globale visant à éradiquer les phénomènes récurrents de violences à l’égard des femmes a finalement commencé à faire échos avec l’entrée en vigueur en septembre de la loi 103.13.
–  Elle pose les fondements de la réflexion quant aux questions de la violence physique mais aussi psychologique et sexuelle.
– Elle a institué de nouveaux délits, notamment celui de harcèlement sexuel qui est aujourd’hui puni de manière globale et plus seulement dans le cadre d’un rapport hiérarchique.
– Elle sanctionne le mariage forcé.  
– Elle punit le fait que l’époux tente de vendre ses biens ou le foyer conjugal avant la fin de la procédure de divorce ou lors d’une demande de pension alimentaire.
– Elle sanctionne le refus de l’accès de l’épouse ou de ses enfants au domicile conjugal.