Depuis la nuit des temps, la femme, aussi bien que l’homme d’ailleurs, a souhaité embellir, conserver la fraîcheur de sa jeunesse, voire user d’artifices pour rajeunir. A l’heure où sont souvent, au centre des préoccupations, les questions d’émancipation féminine et d’appropriation du corps, on s’interroge avec le docteur Abdellah Bouchta, spécialiste en chirurgie esthétique et reconstructrice, sur les raisons qui poussent les femmes à avoir, de nos jours, de plus en plus recours à la chirurgie esthétique.
«La frénésie entourant la chirurgie esthétique n’obéit pas au fantasme et à la recherche chimérique d’une jeunesse perdue, mais à un désir pragmatique et légitime de bien-être pour soi, envers son partenaire, ses proches, et parfois même un impératif socio-professionnel.»
La beauté, une quête aux racines profondes
Si l’on arpente les dédales du temps, on découvre qu’en 3.500 ans av. J.-C, un écrit sur papyrus vantait déjà, en Egypte ancienne, les bienfaits de pâtes abrasives pour lisser la peau et gommer certaines imperfections. Plus loin encore, dans des textes sacrés indiens, est décrite la reconstruction d’un nez amputé. En Europe, le premier traité européen de chirurgie plastique a été rédigé au 16ème siècle. Cela a d’ailleurs valu à son auteur d’être excommunié par l’église catholique. Il faut attendre le début du 19ème siècle pour que la chirurgie plastique à visée réparatrice soit reconnue et codifiée. Père de la discipline à proprement parler, c’est Jacques Joseph, à la fin du 19ème siècle, qui a entrepris les premières interventions purement esthétiques (otoplastie et rhinoplastie). S’en suivent en 1920, les premiers liftings et, en 1930, les prothèses mammaires renfermant du gel de silicone. En 1977, c’est au tour de la liposuccion, devenue l’intervention la plus pratiquée, de faire son apparition grâce au docteur Yves-Gerard Illouz. Enfin, depuis le début des années 1990, la chirurgie esthétique a connu d’importantes avancées et associe désormais chirurgie, fils tenseurs, fillers, toxine botulique, ultrasons, lasers…
Un petit bonheur accessible
Motivée par les médias, la publicité ou encore les réseaux sociaux, la concrétisation de l’acte chirurgical est facilitée par l’indépendance financière de la femme. Sa motivation est en outre renforcée par le recours à des techniques médico-chirurgicales qui sont de moins en moins invasives. Parfois sujettes à de véritables dymorphophobies (troubles du comportement) ou certaines lubies en lien à des phénotypes particuliers (nez de X, pommette de Z), certaines patientes demandent alors, de la part du praticien, une écoute encore fine. Son rôle étant de bien comprendre les attentes de la patiente et de lui expliquer ce qu’il est possible et ce qui ne l’est pas, dans le but de respecter son harmonie corporelle. Maîtrisé, cet acte peut alors considérablement impacter le bien-être physique, mental et social de la patiente. La meilleure récompense pour le plasticien étant que la patiente s’exclame, après l’opération, que le résultat est exactement ce qu’elle souhaitait. Une véritable appropriation corporelle est alors engagée. De même, dans le cadre d’une altération physique succédant à une maladie comme une tumeur au visage ou un cancer du sein, l’acte chirurgical doit être impérativement assorti d’une prise en charge multidisciplinaire, celle-ci participant à l’appropriation nécessaire du corps et au bon déroulement de la réinsertion socio-professionnelle de la patiente.