Unique pilote marocaine à concourir dans la catégorie expert du Rallye Aïcha des Gazelles, Karima Mouhyi s’apprête à entamer sa 8ème participation à cette compétition exclusivement féminine, qu’elle a déjà remportée en 2015. Une passion pour les sports mécaniques, sur laquelle elle se confie sans réserve.
Propos recueillis par Rim Keddabi · Photos : DR
Comment êtes-vous devenue pilote de rallye?
Par pur hasard. J’ai vu passer quelque chose sur le Rallye dans un magazine, et je me suis dit «pourquoi pas moi?». Je m’y suis mise, et très vite j’ai été piquée. Je faisais déjà du jet-ski en compétition, mais le rallye, c’est différent, il y a un avant et un après. Je peut dire qu’il y a eu un déclic.
Qu’est-ce que cela a changé dans votre vie?
J’ai tout arrêté. J’avais 38 ans, j’avais repris des études durant 3 ans pour devenir designer d’intérieur. Cela a été une véritable coupure qui m’a extraite de ma vie de princesse. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Quand je reviens après un rallye, je relativise, je tranche, je prends des décisions que je n’arrivais pas à prendre auparavant. Je pars en rallye avec mes problèmes et quand je reviens, ils sont minuscules, ils m’apparaissent comme des grains de sable.
Parlez-nous du Rallye Aïcha des Gazelles.
C’est une compétition très particulière puisqu’elle allie à la fois pilotage, stratégie et navigation (sans GPS, seulement à l’aide de cartes et d’une boussole). Elle est particulièrement technique, et difficile tant au niveau physique que psychologique puisque l’on traverse différents types de terrains (dunes, champs de pierres, lits de rivières…). Le but est d’aller le plus droit possible et de parcourir le moins de kilomètres, tandis que les autres rallyes sont presque exclusivement des rallyes de vitesse.
Mais c’est surtout une très belle aventure humaine : on rencontre beaucoup de gens. Cette année, par exemple, il y aura des femmes de 13 nationalités différentes à concourir. Cela fait du bien de se retrouver entre femmes, et de rencontrer d’autres cultures. On apprend beaucoup sur soi. On fait face à des situations extrêmes ensemble, on s’entraide, notre mental n’en devient que plus fort.
Comment votre entourage a accueilli cette nouvelle passion?
C’est un véritable motif de fierté dans ma famille. Mes enfants sont aussi dans les sports mécaniques puisqu’ils font du motocross et mon mari m’a toujours accompagnée et suivie. D’ailleurs, nous avons participé au Rallye Gazelles And Men tous les deux (qui dure 6 jours, contre 9 pour la compétition féminine) et on s’est vraiment régalés. Nous avons remporté le prix du «Fair Play», ce qui est encore mieux que de remporter la première place, selon moi. Après cette expérience, mon mari était encore plus admiratif qu’avant.
Que voulez-vous dire aux femmes marocaines?
J’aimerais que plus de femmes marocaines participent à ce rallye. Quand on a une réelle envie de quelque chose, il faut y aller! Tout est accessible, tout est faisable. Il faut se jeter à l’eau et arrêter avec les «hchouma», les «non, je ne suis pas capable», etc. On est toutes capables de se dépasser, et il n’y a rien de mieux pour la confiance en soi.