Après les livres Nass El Ghiwane, Taoub, le groupe acrobatique de Tanger et Lahcen Zinoun ou le corps libéré, la Fondation BMCI a soutenu l’édition du livre Jil Lklam, poètes urbains, un ouvrage, édité conjointement par Senso Unico et Editions du Sirocco, dédié à la nouvelle scène musicale marocaine, depuis ses débuts, dans les années 1990 à nos jours. Décryptage.
Texte Wissal Faris
Dominique Caubet et Amine Hamma, les deux auteurs de ce livre passionnant, nous ouvrent, par la grande porte, un monde qui ne nous est pas inconnu (qui n’a pas été attiré par les innombrables œuvres murales qui ont essaimé dans l’espace urbain de Casablanca et Rabat ou entendu quelques-uns de ces groupes tels que H Kayne, Soultana ou Hoba Hoba Spirit pour nommer les plus connus d’entre eux) mais auquel nous ne portons pas toute l’attention qu’il mérite.
À travers une série d’entretiens avec des experts de cette nouvelle scène, nous apprenons à nous familiariser avec celle-ci et à mieux en percevoir toute l’importance et la richesse. Jil Lklam s’attache aussi aux textes des chansons, emblématiques d’une génération qui se lâche en toute décomplexion. Avec éloquence, humour, sensibilité, colère, poésie, cette jeunesse créatrice et rebelle exprime, dans ses paroles plurilingues – darija, amazigh, mêlées de français, d’anglais ou d’espagnol – son désir de dignité, de liberté, d’avenir, ainsi que l’amour de son pays. Grâce aux traductions qui font face aux paroles reproduites dans leur langue originale, Jil Lklam nous fait entrer de plein pied dans cet univers. Rien à dire, cela décoiffe et c’est surtout très jubilatoire. Coup de chapeau aux auteurs du livre et aux artistes qu’ils mettent en avant.
C’est sûr, après avoir lu Jil Lklam, on prêtera une oreille plus attentive aux artistes qu’écoutent nos enfants. Qu’ils soient très rap, rock, punk, fusion ou slam, ces artistes, très souvent autodidactes, font du bruit certes, mais il faut reconnaître qu’ils savent magnifiquement jongler avec les mots pour exprimer leurs ressentis, leurs désirs et leurs attentes, leurs plaisirs aussi.
«Viens, approche, viens près de nous
Est-ce que tu en veux plus ?
Ne fais pas ton rabat-joie et fais-toi plaisir !
Ne complique pas les choses, tout est clair, ça fait plaisir, ça fait plaisir !
Tout le monde s’enivre de bons sons, il ne reste plus que toi
Tiens, prends ça ! Je suis ton frère, moi !
Ca c’est un trésor que je t’offre, là !»
Extrait de Issawa Style, H-Kayne