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Ghizlane Benjelloun
Être parent.
De la grossesse à 3 ans

By mars 13, 2025 Actu

«Comment devient-on parent et quand ce processus commence-t-il ?» Autrefois évidentes, ces questions sont aujourd’hui essentielles face aux bouleversements sociaux, aux avancées scientifiques et à l’attention croissante portée au psychisme et à l’environnement, écrit Jalil Bennani dans la préface du livre Être parent. De la grossesse à 3 ans. Ghizlane Benjelloun, professeure en pédopsychiatrie et Personnalité 2024 de l’ONU au Maroc, éclaire ces interrogations avec une approche scientifique et humaniste. Rencontre avec une spécialiste engagée pour mieux comprendre le développement psychique du bébé et les défis de la parentalité contemporaine.

 

Ce livre ne vise ni à culpabiliser ni à inquiéter les mères. La grossesse, aussi merveilleuse que bouleversante, est une période de fragilité. Être bien informé aide à la vivre sereinement, sans pression ni déni.

 

Qu’est-ce qui a impulsé l’écriture de ce livre ?
La périnatalité a toujours été au cœur de mon parcours, alliant engagement professionnel et conviction sur l’importance du psychisme. J’ai initié un diplôme en psychologie du bébé, organisé des conférences et porté un projet d’unité mère-bébé. Pourtant, je voulais toucher un public plus large. Encouragée par Jalil Bennani, j’ai choisi l’écriture pour proposer une réflexion accessible aux parents et professionnels, afin de mieux comprendre la parentalité et accompagner l’enfant avec bienveillance.

Comment votre expérience professionnelle de pédopsychiatre a-t-elle influencé votre approche de la périnatalité ?
Je reçois des bébés, des enfants et des adolescents, parfois de jeunes adultes. Très souvent, l’histoire de mes patients adolescents révèle des éléments liés à la périnatalité, qui peuvent être des facteurs de risque, d’explication ou d’interprétation de ce qu’ils traversent. Entre le bébé et l’adolescent, les similitudes sont nombreuses, et l’adolescence représente souvent une seconde chance de réparer ce qui n’a pas pu l’être plus tôt. Cette réflexion m’a encore plus convaincue de l’importance cruciale des premières années de vie.

Vous abordez des sujets sensibles comme les angoisses des parents et les troubles possibles chez les enfants…
C’est ce qui a rendu l’écriture compliquée, mais il faut le dire clairement : une angoisse parentale excessive, une dépression ou un trouble psychique ont un réel impact sur le bébé, et il est essentiel que les professionnels comme les parents en prennent conscience.
Lorsqu’un parent souffre, il faut se demander s’il y a un jeune enfant à la maison, car cela change tout. Mais je ne fais pas qu’alerter, dans le dernier paragraphe, qui est le plus long, j’apporte des solutions : psychothérapie, accompagnement, place du père… J’explique comment aider ces parents et comment les professionnels peuvent intervenir pour protéger le lien parent-enfant et la santé mentale du bébé.

Si vous aviez un seul message à donner aux mamans, quel serait-il ?
Il n’existe pas de «bonne maman» au sens absolu. Chaque mère fait de son mieux, mais elle n’est pas seule dans cette aventure. La parentalité dépend aussi de l’enfant, de son tempérament, de l’environnement et du père. Le poids ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des mères, même si elles sont en première ligne.

Et aux papas ?
Qu’ils ont une place essentielle et doivent la prendre pleinement, sans attendre qu’on la leur donne. Leur bébé a besoin d’eux dès la grossesse.
Ces messages s’adressent aussi aux futurs parents. Le lien avec l’enfant se construit bien avant la naissance, dès le désir d’avoir un bébé. Devenir parent ne se résume pas à un bon contexte financier ou à une opportunité médicale comme une FIV.
Ce désir doit être mûri des deux côtés, chez la mère comme chez le père. Plus il est conscient et partagé, plus l’investissement émotionnel dans la grossesse, l’accouchement et l’accueil du bébé est fort.
À l’inverse, une grossesse non désirée ou portée seule par un des parents peut fragiliser ce lien. Se préparer à être parent commence donc bien avant la grossesse.

Votre livre s’adresse également aux professionnels de la santé…
Les gynécologues jouent un rôle clé dès la grossesse et devraient systématiser la consultation du quatrième mois pour détecter d’éventuels troubles psychiques maternels et prévenir leurs répercussions sur le bébé. Les généralistes et les pédiatres ont aussi une responsabilité majeure, notamment pour repérer les signes précoces de troubles du neurodéveloppement (TDAH, autisme, troubles du langage) et des difficultés dans le lien mère-bébé. Un simple échange peut parfois tout changer : expliquer à une mère que son bébé perçoit son mal-être peut transformer leur relation. Je le constate régulièrement, parfois après une ou deux consultations seulement, la mère porte un regard différent sur son bébé. Sensibiliser les professionnels à ces enjeux permet une prévention efficace et à faible coûtant, limitant grandement la survenance de nombreux troubles futurs.

Vous êtes aussi vice-présidente de l’ONDE. Quelles actions ont été mises en place sur cette problématique de la périnatalité ?
Sous l’impulsion de Son Altesse Royale la princesse Lalla Meryem, l’ONDE a créé l’École des mères et l’École des parents, avec des capsules en arabe moyen et en amazigh pour accompagner les futures mamans. Ces capsules abordent les changements physiques et psychiques de la grossesse, l’importance du lien avec le bébé et l’implication du père après l’accouchement.
D’autres vidéos sensibilisent aux signes du baby blues et de la dépression post-partum, pour aider les mères à mieux comprendre leur état et à consulter si nécessaire.