Une nouvelle fois, c’est avec beaucoup de poésie que l’artiste peintre Yamou nous convie à évoluer dans son jardin pictural. Présentée à l’Atelier 21 jusqu’au 8 novembre, «Efflorescence» s’inscrit dans son observation à la loupe de la nature, ici les fleurs en devenir. Installé entre Paris et Tahannaout, Yamou figure parmi les artistes marocains de renom tant au Maroc qu’à l’international et se distingue par ses représentations d’une nature généreuse, puissante et mystérieuse. Rencontre.
La peinture était-elle une vocation?
Je me suis toujours intéressé à l’art et à la peinture en particulier mais il m’a fallu de nombreuses années avant que je m’autorise à m’y consacrer à temps plein. Je suis né et j’ai grandi à Casablanca et j’ai poursuivi mes études en biologie à Toulouse, je suis parti par la suite à Paris pour suivre des études de sociologie à Paris. Cité des arts par excellence, j’ai eu l’opportunité d’y découvrir de nombreux musées et des expositions en tout genre, choses auxquelles je n’avais pas eu accès jusque-là. Bien qu’exalté par cette richesse artistique, cela m’a encore pris plusieurs années avant d’affirmer mon besoin de me consacrer entièrement à l’art.
Qu’est-ce qui a marqué votre cheminement?
Dans le cadre d’un cursus en anthropologie, j’ai travaillé sur la question de l’identité dans la peinture contemporaine. De ce fait, j’ai eu la chance de faire de nombreuses rencontres. C’était une recherche très intéressante toutefois, au fil de son avancement, je me suis rendu à l’évidence que ce qui m’intéressait le plus ce n’était pas d’écouter les artistes, mais bien de passer à l’acte, d’entamer moi-même un processus créatif.
Comment définiriez-vous votre démarche artistique en quelques mots?
Je dirais qu’actuellement je demeure obsédé par le végétal dans sa dimension existentielle, c’est-à-dire une façon de sublimer la vie face à la catastrophe écologique qui nous attend. Ce qui m’intéresse c’est le végétal au sens large, allant des molécules aux fleurs, aux feuilles, en passant par les troncs… Je pense qu’on peut parler peinture hybride où cohabitent des formes aux échelles différentes. Quand on regarde mes tableaux, on ne reconnait pas un type de fleur ou de plante, c’est une vision poétique plus que réaliste du jardin.
Le végétal a-t-il toujours été inhérent à votre art?
Pas vraiment. D’ailleurs à mes débuts, je n’avais pas une idée bien précise de ce que je voulais peindre. J’avais simplement pris conscience que je devais me laisser le temps de créer. Les sujets à traiter sont venus au fur et à mesure. Au départ, j’ai exploré plusieurs supports et techniques notamment la sculpture. J’avais envie de travailler avec la terre et ensuite d’y intégrer des plantes vivantes. J’avais un vrai attrait pour les paysages, les plantes mais ce n’est qu’en commençant à travailler le végétal en profondeur que j’ai renoué petit à petit avec la biologie. En passant le monde végétal au microscope, on observe des cellules, des mitochondries, des germinations, tout un paysage qui n’est pas visible à l’œil nu mais qui est très intéressant à peindre.
Quelles sont vos sources d’inspiration?
La vie et tout ce qui est vivifiant, certaines rencontres, l’art, la science …
Que dire d’Efflorescence?
Elle découle du confinement. Etant enfermé comme tout le monde, j’avais envie d’ouvrir une fenêtre sur autre chose que les éléments anxiogènes qui nous entouraient. En passant en revue ce qui pourrait me faire du bien, j’ai pensé à un lieu apaisant comme un jardin anglais et ses foisonnements de couleurs. Pour paraphraser Baudelaire, ce dont j’avais besoin c’est luxe, calme et volupté comme un kit de survie. Avec cette série, je me suis construit une bulle aux couleurs apaisantes à travers laquelle je propose une exploration poétique d’une nature en devenir.
Que souhaitez-vous évoquer au public à travers vos œuvres?
Malgré le fait que je sois quelqu’un de très sensible à l’environnement, je ne brandis pas ma peinture comme un manifeste. Si je peux provoquer une émotion chez le spectateur, c’est déjà beaucoup. J’aspire à ce que ma peinture puisse produire une émotion semblable à une note de musique. Quand nous entendons certaines mélodies, nous sommes envahis par une vague de bien-être, indépendamment des hauts et des bas du quotidien.
Avez-vous de nouveaux projets artistiques?
Prochainement, je vais partir en résidence dans un vignoble de la région de Valladolid en Espagne. Je vais passer plusieurs semaines dans cette demeure historique du 12ème siècle. Je souhaite y aller sans idées préétablies et me laisser imprégner par l’endroit, la langue, la culture, etc. Dans les mois à venir, je souhaiterais aussi m’accorder du temps pour faire du dessin. J’ai déjà quelques idées mais je sais que la réflexion par le geste va considérablement les faire évoluer.