L’éducation des enfants au Maroc connaît de profonds bouleversements. Les parents sont confrontés à un défi majeur : allier les valeurs traditionnelles marocaines aux exigences d’une éducation moderne prônant l’autonomie, l’ouverture et la pensée critique. Où placer l’équilibre entre ces deux visions ?
Les parents doivent concilier tradition et modernité pour offrir à leurs enfants une éducation équilibrée, ancrée dans leur héritage tout en les préparant à un monde globalisé
L’influence de l’éducation moderne
Les parents demeurent profondément attachés à des valeurs fondamentales qui forgent l’identité de notre pays : le respect de la famille, la hiérarchie sociale, le rôle des aînés, la solidarité, ainsi que l’observance des coutumes religieuses et culturelles. Ces principes sont considérés comme les bases d’une éducation équilibrée, où l’obéissance, la discipline et l’unité familiale occupent une place centrale. Cependant, dans un monde de plus en plus globalisé et connecté, ces mêmes parents se retrouvent confrontés à la nécessité d’adapter ces valeurs traditionnelles aux réalités contemporaines, où la pensée critique, l’indépendance et la créativité sont des qualités essentielles.
En effet, l’éducation moderne, influencée par des courants internationaux, met l’accent sur l’autonomie de l’enfant, l’écoute de ses besoins et la valorisation de ses opinions. Des approches comme la psychologie positive et la pédagogie Montessori, qui gagnent en popularité au Maroc, encouragent une pédagogie plus flexible et moins autoritaire, donnant à l’enfant la possibilité d’apprendre à son rythme et de questionner les enseignements. Ainsi, les parents d’aujourd’hui se trouvent souvent dans l’obligation d’adopter ces méthodes pour transmettre les valeurs traditionnelles tout en préparant leurs enfants à un monde en constante évolution.
Entre attentes sociales locales et culture globale
Les parents marocains jonglent entre les valeurs traditionnelles, fondées sur la discipline et le respect, et les exigences d’une éducation moderne favorisant l’autonomie. L’influence des médias et des écrans accentue ce fossé en exposant les enfants à des modèles éloignés des repères familiaux. L’éducation des filles illustre bien ce dilemme, entre rôles traditionnels et quête d’égalité. Si les villes adoptent progressivement des méthodes pédagogiques plus ouvertes, les zones rurales restent attachées aux traditions et peinent à intégrer les outils numériques.
Vers une parentalité hybride
Pour beaucoup, la solution réside dans un modèle éducatif hybride conciliant tradition et modernité ; un modèle qui valorise le respect des aînés et de la famille tout en encourageant l’indépendance et l’esprit critique des enfants ; qui concilie les exigences d’une société globalisée avec l’identité culturelle et sociale qui fait la force du Maroc.
![](https://familleactuelle.ma/wp-content/uploads/2025/02/Samya-El-Mousti-00005.jpg)
Samya El Mousti
Directrice Nationale SOS Villages d’Enfants Maroc
La solidarité intergénérationnelle est un pilier central de la société marocaine, ancré dans des traditions culturelles et religieuses fortes. Cependant, avec des changements tels que la nucléarisation des familles, il devient essentiel de préserver ce lien fondamental. À SOS Villages d’Enfants Maroc, le programme de renforcement familial illustre cette démarche : impliquer les mamans dans l’éducation, soutenir l’autonomisation économique des femmes et encourager la cohabitation intergénérationnelle. Ces actions permettent de préserver l’unité familiale, souvent fragilisée par des contraintes économiques.Pour renforcer cette solidarité, il serait souhaitable de développer des partenariats entre maisons pour personnes âgées et associations, favorisant des activités réunissant toutes les générations. Cela permettrait de maintenir vivantes les valeurs d’entraide qui font la force de notre société.
![](https://familleactuelle.ma/wp-content/uploads/2025/02/Achraf-belahyan_1.jpg)
Achraf Belahyan
Association ligue jeunesse pour le développement et la solidarité
Je pense que la société marocaine croit de plus en plus au rôle des associations engagées, bien plus qu’à d’autres formes d’organisations politiques ou syndicales. Aujourd’hui, les associations jouent un rôle crucial dans la vie quotidienne des citoyens.
Cette confiance, acquise par les associations, contribue également à soutenir l’État dans la mise en œuvre de certaines décisions. Nous en avons eu des exemples concrets durant des périodes critiques comme la crise du Covid-19 ou encore les efforts de solidarité après les récents tremblements de terre.
Il ne faut pas non plus oublier leur rôle essentiel dans tout ce qui touche au domaine social, en étant souvent des acteurs clés du développement et de l’entraide.
![](https://familleactuelle.ma/wp-content/uploads/2025/02/Meriem-Othmani.jpg)
Meriem Othmani
Présidente-fondatrice d’INSAF
Il y a 25 ans, l’Association INSAF a été créée pour protéger les mères célibataires qui vivaient un calvaire et pour arracher les petites bonnes au travail forcé. Deux problématiques profondément taboues à l’époque. Malgré de nombreuses difficultés et menaces, nous avons autonomisé plus de 12.000 mères célibataires et leurs enfants. Nous avons également accompagné 600 petites bonnes vers des études ou des formations professionnelles. Aujourd’hui, nous nous attaquons au travail forcé de 400 enfants, qu’ils soient mendiants ou petits chiffonniers.
Au cours de ces 25 années, les mentalités ont évolué. Le statut de mère célibataire reste encore stigmatisé, mais le mépris est peu à peu remplacé par de la compassion. Et cela, malgré certains intégristes intolérants qui continuent de leur jeter des regards culpabilisants.
La société civile, plus moderne, défend les victimes de violences extrêmes et se mobilise activement contre les abus. Les personnes en détresse commencent à oser revendiquer leurs droits et à redresser la tête. L’avenir s’annonce meilleur.