La BBC la faisait figurer dans sa liste des 100 femmes inspirantes et novatrices de l’année 2017. Rencontre avec Chaimae Lahsini, 25 ans, co-fondatrice du collectif Al-Fam et militante pour le droit des femmes.
Propos recueillis par Rim Keddabi · Photos : DR
Parlez-nous du collectif Al-Fam.
C’est un collectif que nous avons fondé avec un groupe d’amis en 2015. A l’origine, il s’agissait d’un groupe sur Facebook. L’idée était de créer un espace de conversation où échanger sur nos histoires et nos espoirs pour la société. Un espace exclusivement féminin, pour se sentir en sécurité et se remettre en confiance, afin d’aborder ces sujets le plus librement possible. Il compte environ 4.000 membres.
Comment a-t-il évolué?
Nous avons organisé différents ateliers dans l’espace public, pour échanger autour de notre condition de femmes dans la société marocaine et de ce que nous pourrions faire pour l’améliorer. L’idée est d’investir l’espace public, de se le réapproprier, d’y être visibles pour que les hommes comprennent que ces espaces nous appartiennent aussi. Il y a eu des ateliers dans plusieurs villes du Royaume : Rabat, Casablanca, Tanger, Agadir… celles qui ne pouvaient pas se déplacer ont créé leurs propres regroupements dans leurs villes.
Qu’abordez-vous au cours de ces ateliers?
Les ateliers sont pour nous l’occasion de discuter et de chercher à comprendre les lois marocaines (réforme de la Moudawana, loi 103-13 contre le harcèlement…). Les femmes marocaines ne connaissent pas assez leurs droits. Souvent nous sommes perdues car nous ne parlons pas le même langage que les autorités qui les édictent : il y a donc un vrai travail de recherche et de compréhension à effectuer sur celles-ci, pour les cerner et comprendre ce qui nous handicape en tant que citoyennes. Sinon, nous organisons aussi des ateliers d’expression – peinture, poésie, musique – pour se «défouler» ensemble.
Que pensez-vous de la loi 103-13, contre les violences faites aux femmes?
Ce n’est pas parfait, mais au moins il y a une base qui devra être améliorée par la suite. Le problème de cette loi, et des autres, c’est la définition des termes (violence, harcèlement) qui reste trop vague et qui sera toujours sujette à interprétation. Il faut davantage de précision. Mais bien sûr, c’est un pas en avant.
Sur quoi faut-il se concentrer aujourd’hui pour faire évoluer la situation des femmes marocaines, selon vous?
Ce qui me semble fondamental, c’est l’émancipation économique des femmes. Il faut une vraie révolution économique pour faire changer les choses. L’indépendance financière, c’est le seul moyen de faire évoluer leurs conditions de vie et de leur donner ensuite la possibilité de se libérer des carcans de la société. Pour moi, c’est la première étape, le seul moyen de leur donner les clés pour se défendre elles-mêmes.