Avec son humour contagieux, mais toujours empreint d’humanité, Asmaa El Arabi nous offre bien plus que des rires : une véritable leçon d’amour pour la famille et un appel à vivre pleinement. Entre ses observations sur la société marocaine et son rôle de jeune maman, elle nous invite à cultiver l’essentiel avec authenticité et légèreté.
Photographe : Nada Satté
Coiffure et maquillage : Sabrine Groelly
L’humour est au cœur de votre carrière. Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir la comédie comme moyen d’expression ?
Je pense vraiment que l’inspiration nous choisit, et pas le contraire. J’ai déroulé un tapis déjà tressé et j’ai simplement suivi, de la manière la plus entière possible, la façon dont s’exprimait mon amour pour la contemplation, pour la vie, pour les personnalités, les psychologies, et pour les mots, l’écriture, aussi.
Vos personnages s’inspirent beaucoup de la société marocaine. Quel est celui qui vous ressemble le plus et pourquoi ?
Il y a, à la fois, une identification à ces personnages et une découverte de caractères qui me sont également complètement étrangers. L’idée est de s’ouvrir à autre que soi, de se rapprocher de ce à quoi on ne s’identifie pas, parce qu’il y a évidemment toujours et pour toujours, l’humanité, la vulnérabilité, l’indulgence, et l’acceptation, en commun de tous mes sketchs. En entrant dans l’intimité d’un personnage, on se fait le témoin de son existence. Cette proximité est attendrissante, il y a quelque chose – fait d’empathie et de chaleur – qui bourgeonne de nouveau en nous. Les personnalités les plus lointaines se rapprochent. Nous ne sommes plus si différents.
La famille est un sujet récurrent dans votre travail. Que représente-t-elle pour vous, autant dans votre vie personnelle que dans votre art ?
La famille, c’est le laboratoire de la société. Tout y est plus intense et plus concentré. J’observe toujours mes plus proches (moi incluse) parce que les réactions et les comportements y sont crus et sans filtres. On ne joue pas comme on joue en société, bien qu’on ait parfois l’impression d’assister à une pièce d’art dramatique dans certaines situations de famille.
Hormis dans le cadre de mes observations de microcosme au microscope, la famille, pour moi, c’est ce qui se rapproche le plus de l’idéal de l’amour inconditionnel que je poursuis. Je mets dans «famille» mes amis les plus précieux et, de manière générale, les liens les plus purs, les plus durs, les plus sûrs dont je suis bénie.
En tant que jeune maman, comment jonglez-vous entre votre rôle de mère, votre carrière et vos personnages humoristiques ?
Avant, je trouvais flatteur d’être «busy», et de jongler ; d’être en multitasking et anglicisme permanents. Mais non, non. La vie, c’est être en paix, c’est avoir et PRENDRE le temps. C’est faire moins de choses pour en faire plus, car les choses qu’on fait en meilleure conscience résonnent plus fort. Oui, c’est une gageure de faire pousser un enfant telle une plante s’épanouissant de toutes ses feuilles, sans oublier qu’on en est une aussi, une plante, qui a tout autant besoin d’eau et de lumière.
Ce shooting explore les défis du quotidien familial avec humour. Quelle scène vous a le plus amusée ou marquée, et pourquoi ?
Je crois que je suis hypersensible – pas dans le sens poétique du terme – c’est une «condition». Je suis très attentive aux gens, aux conversations, aux détails, et cela me fait parfois ce qu’on appelle de «l’hyperstimulation» qui créé une forte sensation de saturation mentale.
L’hyperstimulation, c’est l’image des téléphones autour du visage et des sollicitations de toutes parts.
Quand on est maman, le défi de l’hypervigilance et la demande d’attention continue est encore plus grand.
En participant à ce numéro spécial Famille Actuelle, quel message souhaitez-vous transmettre aux familles et aux lecteurs ?
Personne ne vous réveillera pour vivre votre vie avant qu’elle ne s’achève. Personne ne portera le poids de vos décisions, mieux (pire) le poids de vos indécisions. Personne ne sonnera à votre porte pour vous le rappeler. Vivre est la seule chose qu’on ne puisse faire à votre place. Alors vous savez ce qu’il vous reste à faire, vivez !
Quels sont vos projets à venir ? Y a-t-il un sujet ou un format que vous rêvez encore d’explorer dans votre carrière ?
Tous, yallah bdina a khti.
Quel regard portez-vous sur l’évolution des droits et du statut des femmes durant ces 25 dernières années ?
It’s a man’s world jusque là. La vie d’une femme est un puzzle dont on commence à peine et avec peine à trouver les pièces. Les femmes dénotent, dans le sens le plus noble du terme, elles sont inventives, ingénieuses, débrouillardes, adaptables, d’une intelligence émotionnelle à toute épreuve, dans tous les milieux sociaux, même au plus bas de l’échelle, elles sont toujours en haut. Je suis donc remplie d’espoir de savoir que l’on commence à reconnaître nos différences. Car les reconnaître c’est accepter de devoir intégrer nos besoins et caractéristiques dans les structures les plus fondamentales et les plus institutionnelles de la société. Et nous avons la chance d’avoir Sa Majesté notre Roi, que Dieu L’assiste, qui initie des changements tellement cruciaux qu’ils ont le pouvoir de non pas seulement aménager mais de véritablement transformer notre société.
Fi9,
éveiller voire réveiller
les consciences
Changer de perspective, sortir des codes, les décoder, battre les sentiers battus. Ne pas se conformer, réformer et transformer. L’ère de l’audace sans excès de zèle mais avec notre grain de sel.
Faire
escale
dans les escaliers
Je fais escale dans les escaliers. Une fenêtre de temps arraché, une pause, une pose. Faire glamour à l’objectif. Be good to yourself, bigoudis in your hair.
Je ne
suis pas
un héros
La bénédiction de la sollicitation, la malédiction de l’hyperstimulation. On appelle ça la polyvalence ou la démence ! Maquillage mais jamais de masque, appels manqués de contacts qui ne m’ont pas manqué. Une veste panthère comme animal totem pour affronter la mode et le monde.
“Ma vie est un show multitâche”
Zoom
sur ma
cuisine interne
Je ne cuisine pas mais je suis. Et parfois je cuisine aussi. Pas de rôles prédéfinis. Je ne veux pas devoir me déguiser en femme pour en être une, déguisée en couteaux de cuisine aiguisés. Je veux juste pouvoir être au plus près de mes envies.
Fou-nambule
Je jongle. À la fois femme, mère, rêveuse et équilibriste… au-dessous d’une corde à linge. Repasser pour effacer les plis, pas de soucis. Maternité et glamour… qui a dit que ça ne faisait pas bon ménage ?
Rêver
d’un long
silence
Même les wonderwomen peuvent avoir envie de s’affaler sur un canapé rose ! Ranger la poussette plus tard, les rêves jamais. Chut, la star s’endort. Éteignez les projecteurs quelques minutes, le temps que les batteries se rechargent.
“Se laisser avaler par le canapé”
Chic
sous
pression
Entre talons et tétine, se préparer pour la nuit, tenue de soirée scintillante, téléphone vissé à l’oreille et bébé bien calé sur la hanche. Je cours mais surtout je vole.
Prendre le temps
de souffler
(les bougies aussi)
Même pas fatiguée après cette journée extraordinaire mais si ordinairement rythmée. On la clôture par un moment de flottement tout en ballons pour marquer en beauté les 25 ans de Famille Actuelle, et célébrer toutes les super-mamans qui assurent et rassurent jour après jour.