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Aïcha Ech-Chenna un combat en héritage

By octobre 26, 2022 octobre 28th, 2022 Actu

Aïcha Ech-Chenna s’est battue jusqu’au bout pour offrir aux mères célibataires et aux enfants nés hors mariage les conditions d’une vie décente. Elle a baissé les armes le 25 septembre dernier dans un hôpital de Casablanca. Celle que l’on a souvent appelée la «mère Theresa du Maroc» ou la «mère courage» a fait plus que sa part. Retour sur la vie d’une femme qui avait décidé de transformer la société marocaine.

 

Cette grande dame nous a montré la voie, elle a fait faire à la société marocaine des avancées importantes. Pleurons-la, elle le mérite tant, mais surtout montrons-nous digne de son héritage

 

Le combat pour une vie décente, la petite Aïcha Ech-Chenna sait très tôt ce que cela veut dire. Le pouvoir et la force de la solidarité féminine, aussi. Orpheline de père à l’âge de 3 ans, elle quitte l’école à 12 ans sur injonction de son beau-père. Sa mère a alors l’intelligence de confier sa fille à l’une de ses tantes pour qu’elle puisse poursuivre ses études. Elle vendra même une partie de ses bijoux pour financer la vie de l’étudiante. À 16 ans, armée d’un diplôme d’infirmière, la jeune Aïcha Ech-Chenna gagne sa vie, soutient sa famille et surtout vient en aide à celles et ceux qui sont dans le besoin, notamment les plus ostracisés, les mères célibataires et les enfants nés hors mariage. Pour eux, elle fonde, en 1985, l’association Solidarité féminine (ASF).
Réputée pour son engagement et… son franc-parler, Aïcha Ech-Chenna est la première à nommer les choses par leur nom. Pas de hchouma qui tienne. Les relations extra-conjugales, ça existe, et elles impliquent des responsabilités aux deux sexes. Les viols, les petites bonnes maltraitées, les jeunes femmes abusées ou les relations forcées, ça existe aussi, tout comme leurs conséquences : des femmes mises au ban de la société et au moins 50 000 enfants nés hors mariages chaque année, selon les statistiques. L’ASF les accueille avec le sourire, les enveloppe dans un cocon protecteur et leur donne les moyens et les outils pour s’autonomiser et subvenir à leurs besoins : cours d’alphabétisation, formation à différents métiers : couturière, coiffeuse, décoratrice, restauration, comptable, etc.
Les prises de position de Aïcha Ech-Chenna lui valent des menaces et des lettres d’insultes des milieux conservateurs. En 2000, une fatwa est même prononcée contre elle après son passage sur la chaîne Al Jazeera. Elle brandit calmement Miseria, son livre qui raconte une vingtaine d’histoires vraies de victimes, donnant, par la même occasion, un coup de projecteur sur des pères indignes qui profitent de l’archaïsme des lois les délestent de leurs responsabilités.
Cette année 2000 est aussi marquée la décoration qui lui est remise par Sa Majesté Le Roi Mohammed VI.
Un soutien majeur, qui sera suivi par de nombreux prix internationaux. Aïcha Ech-Chenna a également la grande satisfaction de voir plusieurs avancées, dont l’octroi d’un état civil aux enfants nés hors mariage et l’autorisation donnée aux mères célibataires de choisir le nom de leur enfant. Cependant, de nombreux blocages subsistent. Les enfants nés de mère célibataire n’ont toujours pas les mêmes droits que les autres et l’article 490 continue de criminaliser les relations hors mariage.
Une autre cause qu’elle a soutenue jusqu’à son dernier souffle est de l’ordre de la prévention. Aïcha Ech-Chenna militait en effet pour imposer un programme d’éducation sexuelle à l’école, pour l’instant en vain. Cette grande dame nous a montré la voie, elle a fait faire à la société marocaine des avancées importantes. Pleurons-la, elle le mérite tant, mais surtout montrons-nous digne de son héritage.