Chirurgien obstétricien, médecin humanitaire depuis 1998, ancien secrétaire général de Gynécologie sans frontières, et directeur du centre Injab de santé reproductive pour les réfugiés et démunis à Casablanca, le docteur Zouhair Lahna a décidément plus d’une corde à son arc. Pour Famille Actuelle, le gynécologue marocain revient sur un de ses combats : la formation.
En plus de votre implication sur le terrain, auprès d’ONG internationales, vous exercez aussi votre profession au Maroc?
Oui, cela fait vingt ans que je travaille au Maroc. J’ai enseigné durant longtemps la chirurgie par voie naturelle pour permettre aux chirurgiens qui n’avaient pas eu la chance d’apprendre certaines techniques, de pouvoir faire face à la morbidité maternelle, aux descentes d’organes et aux déchirures vaginales post-accouchement. Mais depuis mon expérience en Syrie, je m’occupe tout particulièrement de la formation des sages-femmes.
Pourquoi?
Il s’agit d’un métier médical à forte responsabilité et celles qui l’exercent, travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. En ville, 80% des femmes accouchent dans des hôpitaux publics, où les sages-femmes sont en sous-effectif, tandis que les 20% restant accouchent dans des cliniques privées mais quasi-systématiquement par césarienne. Cette pratique représente 60 à 80% du nombre d’accouchements total en milieu urbain. Pour réfréner cette augmentation, sortir de la relation médecin-client et revenir à la relation médecin-patient, il est nécessaire de mettre l’accent sur la prévention et sur la formation des sages-femmes. En milieu rural, la problématique est inversée : on descend à seulement 8% de césariennes, faute de moyens et de formation : cela engendre beaucoup de dégâts comme des décès et des handicaps chez les nouveau-nés.
Comment formez-vous les sages-femmes?
Mon cabinet s’est transformé en centre de formation qui parcourt le Maroc rural. En 3 ans, j’ai formé plus de 600 sages-femmes. Je travaille sur l’humain, sur la prévention des risques. J’apprends aux sages-femmes qui sont seules, éloignées, à utiliser le matériel qu’elles ont sous la main, mais aussi à travailler vite et bien pour pouvoir éviter les hémorragies et les déchirures. Je fais cela de façon entièrement gratuite et bénévole. L’idée est de redonner confiance à la sage-femme. A travers des situations d’urgence et de stress maximal, des jeux de rôles, je les aide à répondre à des questions simples : Qu’est-ce que je dois faire dans cette situation? Quels gestes pratiquer? Quels médicaments utiliser? Une sage-femme bien formée est digne de confiance.
D’où vous vient cette volonté d’aider les personnes les plus démunies?
Depuis toujours, je suis animé par la volonté d’aider. Etant étudiant, j’ai vu les dégâts causés aux patients dans les hôpitaux publics marocains. Et surtout, l’injustice qui s’exerce sur le patient faible et pauvre. Je veux lutter contre cette injustice, aider les femmes à retrouver leur dignité. Dans cette optique, j’organise aussi des sessions de coaching pour le personnel hospitalier : ils ont des vies entre les mains. Ce n’est pas la responsabilité des autres, c’est celle de chacun, il faut arrêter de diluer la responsabilité.
Pour en savoir plus : www.injab.ma