Artiste plasticienne et designer textile, Fouzia Jaidi a décidé de consacrer une partie de son temps libre à la sensibilisation artistique. Après avoir monté des ateliers pour les enfants issus de tous horizons, elle anime désormais des ateliers adaptés aux enfants malvoyants. Rencontre.
«Je n’ai pas rencontré d’obstacles particuliers durant les ateliers. Les enfants malvoyants ont un sens de l’écoute très développé et apprennent très vite».
Pouvez-vous revenir en quelques mots sur votre parcours?
Dans mon travail artistique, j’apprécie d’être constamment en quête de nouveautés, d’être en perpétuelle recherche. Le plus souvent, je m’intéresse à des sujets qui me touchent de près mais qui peuvent aussi impacter la société en général. Il y a quelque temps, j’ai commencé à m’interroger sur l’accessibilité de l’art aux personnes souffrant de cécité. C’est quelque chose qui me tient à cœur car j’ai pu appréhender les difficultés de ce handicap lorsqu’à la fin de sa vie, mon père a perdu la vue. Fin 2018, j’ai eu l’envie de me lancer dans la réalisation d’un tableau tactile permettant aux personnes malvoyantes d’entrer véritablement en contact avec l’univers artistique.
Comment avez-vous concrétisé cette œuvre? Quelles étaient les difficultés de cette démarche?
Cela n’a pas été facile mais étant designer textile, j’ai choisi d’opter pour le tissage en 3D. Après avoir réalisé différentes pièces en relief, je les ai assemblées sur un grand panneau de bois. J’ai opté pour un grand format afin de créer un véritable parcours qui soit perceptible au toucher. Pour savoir si mon idée était aboutie, j’ai invité un non-voyant à découvrir mon tableau. Ensemble, nous avons appréhendé le parcours que décrivaient les formes. Il a su m’expliquer dans des termes bien précis ce qu’il avait ressenti. Il a notamment perçu que mon tableau était tourmenté. J’avais réussi mon pari, il avait pu «voir» mon travail!
Comment avez-vous débuté vos ateliers avec les enfants?
Aujourd’hui, beaucoup d’artistes organisent des activités artistiques avec les enfants. J’en ai moi-même organisés à plusieurs reprises. Suite à mon expérience personnelle, j’ai voulu me consacrer plus particulièrement aux enfants souffrant de cécité.
Etant en contact avec l’association AMARDEV, Association marocaine pour la réadaptation des déficients visuels, j’ai tout d’abord parrainé un bambin d’à peine 2 ans. Dans le cadre de l’association, je participais à des activités où j’ai rencontré quelques-uns de ses camarades. J’ai alors commencé à leur proposer des moments d’échanges et de partage autour de l’expression artistique. Aujourd’hui, je voudrais pouvoir en faire régulièrement et pas seulement, dans le cadre de l’association AMARDEV. Je serais enchantée si d’autres associations me sollicitaient.
Qu’est-ce que cela leur apporte plus particulièrement?
Sur le long terme, l’accès à l’art peut leur être très utile. Cela leur permet en effet de solliciter leur esprit de création et d’explorer leur imaginaire. Durant les ateliers, on fait principalement du modelage à l’argile. On crée des formes, on les assemble pour créer des vases, des petites boîtes, des animaux… On imprime aussi, dans la matière, des feuilles d’arbres, des silhouettes, etc. C’est une autre méthode d’apprentissage, une façon différente d’appréhender leur environnement. Socialement et moralement aussi, je pense que cela a un impact. Entre eux, il y a pas mal d’interactions qui se créent. Ils me donnent l’impression de s’épanouir quand ils travaillent ensemble. Cela me fait vraiment plaisir de les voir vifs et joyeux.