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Étincelles, Casablanca :
quand l’attention quotidienne devient progrès

By décembre 10, 2025 Actu

Reportage au cœur d’une association qui accompagne enfants et jeunes à besoins spécifiques, entre ateliers, thérapies et chaleur humaine.

 

Ici, chaque petit pas compte, et chacun est célébré comme une victoire.

Un lieu vivant, pensé pour apaiser et stimuler
Derrière une porte discrète, on entre dans une maison qui respire la douceur : lumière naturelle, ateliers ouverts, voix qui rassurent. Créée en 2016 par des parents, l’Association Étincelles accueille une vingtaine d’enfants et de jeunes à besoins spécifiques, présentant pour certains une déficience intellectuelle avec ou sans troubles associés.
L’ambiance n’est ni clinique ni scolaire : c’est une vraie vie de groupe, rythmée par les routines qui rassurent et les projets qui motivent.

Grandir par l’atelier : créer, manipuler, oser
Ici, les activités sont des leviers de développement : yoga, danse, arts plastiques, perlage, peinture sur céramique, cuisine, jardinage.
Dans l’atelier, la concentration se lit sur les visages ; au jardin, la motricité se travaille en douceur ; en cuisine, on pèse, on verse, on coopère. Chaque geste utile nourrit l’autonomie : saisir, visser, découper, imiter, recommencer. Les réussites sont visibles et mesurables, et ça change tout pour l’estime de soi.

Une équipe pluridisciplinaire qui se parle vraiment
Psychologues, kinésithérapeutes, orthophonistes, psychomotriciennes, musicothérapeute, prof d’arts plastiques, coach sportif : la coordination est le cœur du dispositif.
Les bilans sont partagés, les objectifs ajustés, les familles associées au quotidien. Ici, on privilégie les approches structurées et concrètes (TEACCH, ABA en formation continue), sans perdre la chaleur humaine : on félicite, on recadre avec douceur, on valorise chaque effort.

Montrer, sensibiliser, inclure : la force des rendez-vous publics
Les expositions annuelles d’œuvres (tableaux, objets, bijoux, accessoires culinaires) rendent visible le talent des jeunes et changent le regard du public sur le handicap.
Ce sont aussi des moments de fierté pour les familles, qui voient le travail accompli se transformer en émotions partagées.

Demain : plus d’espace et des filières d’insertion
Étincelles prépare un déménagement vers un local plus vaste et le lancement de filières professionnelles : métiers de la bouche (traiteur, pâtisserie, épicerie fine) et artisanat (perlage, vannerie, peinture).
Objectif : autonomie réelle et place pleine et entière dans la société. Pas seulement “occuper” les jeunes, mais les former à un métier et à une vie adulte digne.

Le regard du kinésithérapeute Zakaria Lmous

1. Approche de la prise en charge : diagnostic, justesse, autonomie
La prise en charge débute par un diagnostic médical et un bilan kinésithérapique précis pour cerner le profil de l’enfant et adapter les objectifs : se redresser, saisir, se tenir debout, gagner en autonomie. L’efficacité naît de la justesse : le bon exercice, au bon moment, avec bienveillance et confiance..

2. Transformer l’exercice en relation : jeu, confiance, communication
Tout dépend des capacités cognitives de l’enfant, mais il existe toujours un moyen de créer le lien : un objet, une chanson, un rituel. On construit une relation kiné–enfant vivante et motivante. Cette alliance installe la confiance et favorise une communication essentielle à la progression.

3. Les signes qui disent “ça progresse”
Avec le temps, les progrès sont nets : passer de la position allongée à assise, contrôler la tête, mieux saisir, se lever, parfois marcher. Chaque nouvelle compétence déclenche une dynamique positive : plus d’aisance, plus d’envie, plus d’essais. Un petit progrès peut tout changer.

4. Message aux parents : soigner, prévenir, préserver
La kinésithérapie ne fait pas que renforcer, elle préserve la qualité de vie : mobilité, équilibre, proprioception. Sans séances, le risque de raideur ou de déformations augmente. Continuer, c’est protéger l’avenir de l’enfant et sa confiance.

 

Témoignage

Soumaya Andaloussi,
maman fondatrice
Je suis la maman de Hakim et Jalil Benani. À la naissance, un manque d’oxygène a provoqué une infirmité motrice cérébrale. Très jeunes, ils ont intégré l’association La Courte Échelle : un lieu où nos enfants progressaient côte à côte. Quand elle a fermé, ce fut un choc. Avec d’autres parents, nous avons décidé de fonder Étincelles.
J’ai choisi de me consacrer à mes enfants, par conviction. Hakim m’a tout appris : son calme, son sourire, son courage m’ont montré le sens profond de la vie. J’organisais les ateliers de peinture et les expositions de fin d’année : voir leurs créations admirées par les visiteurs, c’était une fierté immense, la preuve que ces enfants ont un potentiel incroyable.
Étincelles accueille aujourd’hui des jeunes aux profils variés (IMC, autisme, trisomie, retard mental). Cette diversité est une richesse : ils se stimulent et s’encouragent mutuellement.
Quand la santé de Hakim s’est dégradée, j’ai dû m’éloigner. Il nous a quittés il y a trois ans. Le vide était immense, à la maison et à l’association. J’ai envisagé d’arrêter, mais Jalil en a souffert. Il a fait davantage de crises et perdu en autonomie. C’est lui qui m’a ramenée à Étincelles.
Aujourd’hui, je retrouve peu à peu ma place, avec ce mélange de vide et de force que m’inspire le souvenir de Hakim. Ces enfants nous donnent chaque jour des leçons de patience, de gratitude, de beauté du présent. Sans Étincelles, je les aurais peut-être gardés à la maison. Ici, je me sens comprise, soutenue et je peux défendre leur cause.
Étincelles, c’est un lieu de vie, d’amour et de courage. Une histoire écrite par des parents, illuminée par leurs enfants. La plus belle lumière naît souvent des épreuves, et Hakim restera pour toujours l’étincelle qui a éclairé mon chemin.

Bénéficiaires : enfants et jeunes à besoins spécifiques, présentant une déficience intellectuelle avec ou sans troubles associés. Instagram : @associationetincelles

 

Amine Rissassi

Président de l’association Etincelles
Amine Rissassi, président d’Étincelles, défend l’inclusion des enfants à besoins spécifiques par un accompagnement global et des ateliers pour les aider à grandir avec confiance.

Quelle est la philosophie d’Étincelles ?
Nous partons d’une idée simple : chaque individu a de la valeur même si il vit au travers des difficultés. Étincelles est là pour accompagner, soutenir et offrir des outils pour apprendre à mieux comprendre son environnement mais surtout prendre confiance et grandir.

Quels effets observez-vous grâce aux ateliers ?
D’abord le travail en atelier a toujours favoriser la communication, et diminuer l’isolement. Les ateliers sont des moments où se mêlent encouragements, naissance de nouvelles amitiés et beaucoup d’entraide.
Nous avons à cœur d’offrir à nos enfants et jeunes Étincelles des tremplins où on les voient reprendre confiance, développer des compétences et leur autonomie mais aussi de pouvoir se projeter dans l’avenir. Certains de nos ateliers sont aussi pour certains de nos jeunes l’occasion de découvrir leur vocation ou même des pistes professionnelles comme par exemple : cuisine, vente en épicerie fine, conditionnement, animations d’atelier artistiques, productions artisanales…etc…
Il est certain que lorsqu’un jeune fabrique un objet ou vend par exemple un produit qu’il a fait lui-même, c’est son regard sur lui-même qui change. Il repart en se disant « Je peux faire des choses » , ou « Je vaux quelque chose ».

Pourquoi miser sur une équipe pluridisciplinaire ?
Accompagner une personne, quelle que soit sa situation, ne se limite pas à son comportement ou à ses émotions. C’est considérer l’ensemble : corps, mental, école, quotidien. Une équipe pluridisciplinaire — psychologues, éducateurs, orthophonistes, psychomotriciens, kinésithérapeutes… réunit des compétences complémentaires. Aucun métier seul ne suffit ; c’est leur collaboration qui fait la différence.

Quel message adressez-vous aux familles et à la société ?
Aux familles : c’est que vous n’êtes pas seuls. Que vos enfants et jeunes ne sont pas « incapables » ou  » difficiles », ils ont des forces, des talents des besoins et des émotions. Ils ont juste un fonctionnement particulier.
Nous pouvons créer et offrir des environnements permettant à nos jeunes Étincelles de s’exprimer, d’apprendre, de vivre avec fierté et dignité.
A la société, que l’inclusion est un « droit » ce n’est pas un cadeau. Quand on fait ce qu’il faut pour adapter une classe, un école, une ruelle, un quartier ou un service, on fait juste ce qui est « juste ». A la société j’ajouterai qu’il est temps de laisser tomber les appréhensions car au final, c’est la façon dont on voit les personnes à besoins spécifiques qui crée des barrières et non pas leurs différences.