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Éduquer sans tabou :
comment parler du corps et de la prévention

By octobre 25, 2025 Parents

Parler du cancer du sein et de prévention aux enfants commence par parler du corps, et ce n’est pas toujours simple. Pour nous guider, nous avons sollicité Chaïnaz Mokhtari, psychologue clinicienne. Son message est clair : le corps doit avoir sa place dans les échanges familiaux. Entre 8 et 18 ans, il se transforme, les repères bougent et les questions se multiplient. Comment aborder ces sujets sans gêne et instaurer une culture de confiance à la maison ? Voici des repères concrets pour aider les parents à accompagner leurs enfants avec bienveillance et justesse.

 

 

 

Comment et quand introduire doucement la notion d’observation du corps ou de la poitrine ?
Je pense qu’on peut parler d’auto-observation dès lors que l’enfant commence à se poser des questions sur son propre corps. C’est souvent autour de 7–8 ans, au moment où il prend conscience qu’il change, qu’il grandit. L’idée, ce n’est pas de le brusquer ni d’en faire un sujet tabou, mais de l’accompagner avec des mots simples, adaptés à son âge.
Introduire la notion d’observation du corps, c’est avant tout créer un espace sécurisant où l’enfant peut poser des questions sans peur d’être jugé.
Un environnement où il sent qu’il peut parler librement de ce qu’il ressent, de ce qu’il découvre, sans que l’adulte dramatise ni réagisse avec gêne ou panique. Si l’enfant sent que sa curiosité est mal reçue, il se renfermera. Il pensera avoir fait quelque chose de mal, et il ne reviendra plus se confier.

Comment parler des changements physiques aves ses enfants sans gêne ?
La puberté reste encore un sujet souvent censuré : les règles, la pilosité, les odeurs, la poitrine qui pousse… tout cela reste enveloppé de gêne, parfois même de honte. Et pourtant, ces transformations, qui sont naturelles, mériteraient d’être expliquées parce que, lorsqu’un enfant traverse ces changements sans repères, il apprend à se taire, à cacher, à avoir honte. Et cette honte peut le suivre jusqu’à l’âge adulte, jusque dans sa vie intime, dans sa confiance, dans sa manière d’habiter son corps. Il faut aussi rappeler qu’autrefois, dans certaines familles, ces passages étaient célébrés. L’arrivée des premières règles, par exemple, pouvait être un moment de fierté, de transmission entre femmes. Aujourd’hui, ce rituel s’est perdu, et c’est dommage, parce qu’il permettait justement d’intégrer le changement sans malaise. Parler du corps, c’est avant tout permettre à l’enfant d’en faire un allié, pas un ennemi. C’est lui apprendre à écouter, à comprendre et à respecter ce corps qui change, plutôt qu’à le craindre ou à le cacher.

Quels mots privilégier ?
Il faut employer des mots simples, neutres et bienveillants. Parler du corps avec son vrai vocabulaire , sans surnoms, sans métaphores gênées, c’est déjà lui donner de la valeur et de la dignité. Dire « ta poitrine », « ton sexe », « ton corps », « tes poils », sans détourner le regard, c’est transmettre le message que ce sujet n’a rien d’interdit (mais ne pas insister si l’enfant n’est pas d’accord), le suivre dans son rythme. En fin de compte, les bons mots sont ceux qui ouvrent la porte, pas ceux qui la ferment.
Je constate que plus de 90 % des personnes que je reçois au cabinet ont du mal à mettre des mots sur ce qu’elles ressentent. Même adultes, elles ont peur d’être jugées, peur de mal dire, peur de déranger. Parce qu’enfants, elles n’ont pas eu cet espace pour parler librement. Ce poids ne vient pas seulement des parents : il vient aussi des grands-parents, des tantes, des oncles, des professeurs… d’un adulte qui, un jour, a posé un regard ou un mot sur le corps de l’enfant ou de l’adolescent.
Offrir à son enfant un espace « safe », c’est lui apprendre que la parole est possible, que la curiosité n’est pas une faute, et qu’il peut venir avec toutes ses questions, sans craindre le regard de l’autre.

Quels mots éviter ?
Ce qu’il faut surtout éviter, c’est le jugement. Même une remarque dite avec humour ou surprise peut marquer profondément : un « cache-toi , un « tu exagères », un « fais attention à comment tu t’habilles », ou encore un ton inquiet ou gêné lorsqu’un enfant aborde un sujet corporel. Ces réactions créent de la confusion et de la honte.
Et si cela arrive, car oui, on reste humain, on peut être maladroit. L’important, c’est de revenir vers l’enfant, de s’excuser et de lui expliquer : « Je me suis peut-être mal exprimé, j’ai été un peu surpris, mais tu as bien fait d’en parler. » Ce simple retour répare la relation et montre à l’enfant que l’adulte n’est pas parfait, qu’il peut aussi apprendre, comprendre et se corriger.

La notion de limites corporelles commence très tôt.
Beaucoup de parents, par bienveillance ou par maladresse, banalisent certains gestes, comme laisser leur enfant toucher des zones intimes de leur corps. Mais cela peut créer de la confusion.
Dans mon expérience, notamment à travers les accompagnements autour de la violence sexuelle, j’ai souvent rencontré des adultes qui, enfants, n’avaient pas compris qu’il existait des limites. Personne ne leur avait expliqué que certains gestes n’étaient pas appropriés, ni qu’ils avaient le droit de dire non.