Dr Salma Ouazzani, psychothérapeute, répond aux trois grands défis qui accompagnent le cancer du sein : le bien-être psychologique pendant le diagnostic et les soins, le rôle du conjoint et de la famille au quotidien, et l’éducation santé des enfants et adolescents. Parce que, quand la tête est déjà chargée, il vaut mieux des repères clairs que de longs discours, elle propose des réponses courtes, concrètes, toutes prêtes à être partagées et mises en pratique en famille.
À propos du bien-être psychologique
Face à un diagnostic, quelles émotions dominent les premiers jours ?
Au moment de l’annonce, c’est souvent le choc ou la peur. Certaines femmes se sentent comme dans un rêve, d’autres pensent immédiatement à la mort. Ces réactions sont normales. L’important, c’est de ne pas tout garder en soi : parler, pleurer, respirer, c’est déjà commencer à se libérer.
Comment reconnaître qu’une émotion devient envahissante ?
Quand elle occupe tout l’espace : pensées, sommeil, tensions physiques. On la sent dans tout le corps — la peur serre, la colère chauffe, la tristesse pèse. Se rappeler qu’elle est provisoire aide à la traverser. La nommer, bouger, écrire, ou en parler permet de la faire circuler.
Peut-on transformer des émotions négatives en force ?
Oui, et c’est ce qu’on fait en psychothérapie. La peur pousse à s’écouter, la colère à agir, la tristesse à s’adoucir. Quand on comprend ses émotions au lieu de les combattre, elles deviennent des alliées plutôt que des ennemies.
Quelles pratiques simples peuvent aider au quotidien ?
Respirer, marcher, écrire, écouter la musique, sentir l’air, la lumière. Ces gestes ne donnent pas un bien-être immédiat, mais ils évitent que la souffrance grandisse. Le mouvement aide à orienter l’énergie vers autre chose et à revenir dans le présent, à travers les cinq sens.
Pourquoi l’acceptation apaise plus que le contrôle ?
Parce que lutter contre ce qu’on ressent épuise. Accepter, c’est reconnaître : « Oui, j’ai peur, c’est normal. » Ce n’est pas se résigner, c’est se traiter avec douceur. Et c’est souvent là que la paix commence à revenir.
À propos du soutien masculin et familial
Pourquoi le soutien du conjoint est-il essentiel ?
Parce que le regard du partenaire aide à se sentir encore femme, pas seulement malade. Sa présence, son affection, son « je suis là » renforcent la confiance et soutiennent la guérison émotionnelle.
Quelles erreurs les hommes commettent-ils souvent sans le vouloir ?
Vouloir rassurer trop vite ou minimiser. Dire « Ça va aller » peut fermer la porte à l’émotion. Ce qui aide vraiment, c’est valider : « Oui, je comprends que tu aies peur. » Être présent sans vouloir tout résoudre, c’est déjà beaucoup.
Comment exprimer sa présence sans pitié ?
En restant sincère. La pitié crée de la distance, la tendresse rapproche. Dire « Je suis avec toi », « On avance ensemble » suffit souvent. Ce n’est pas les mots parfaits qui comptent, mais la sincérité.
Quels gestes redonnent confiance ?
Un regard bienveillant, une main tenue, un compliment vrai. Continuer à voir sa compagne comme une femme belle et vivante. Dire : « Je te vois, je t’écoute », c’est ça, la validation émotionnelle, et c’est profondément réparateur.
Comment retrouver l’intimité de couple ?
Avec du temps, de la tendresse et du dialogue. Parler de ses craintes, de ses envies, sans pression. L’amour se reconstruit par les gestes, les regards, les petits moments du quotidien.
Comment aider les enfants à trouver la bonne distance émotionnelle ?
En leur parlant simplement : « Maman est malade, mais elle se soigne. » Le silence crée la peur, trop d’inquiétude étouffe. Il faut valider leurs émotions : « Tu es inquiet ? C’est normal. » Ça les apaise et les aide à se sentir inclus et rassurés.
À propos de la prévention et de l’éducation à la santé des enfants et adolescents (8 à 18 ans)
Pourquoi parler du corps dès le collège ?
Parce que comprendre son corps, c’est apprendre à se respecter. En parler tôt évite la honte et favorise une relation saine à soi et aux autres.
Comment aborder la santé sans peur ?
Avec douceur et curiosité. Dire que le corps est précieux et qu’on peut en prendre soin. Parler de prévention, c’est transmettre du respect, pas de la peur.
Comment sensibiliser les jeunes filles à l’autopalpation ?
En en parlant comme d’un geste de connaissance de soi, sans tabou ni angoisse. L’idée, c’est de se familiariser avec son corps, pas de s’en méfier.
Comment casser les tabous autour du mot « sein » ?
En en parlant naturellement. Plus les adultes sont à l’aise, plus les jeunes le seront. Les seins font partie du corps, au même titre que le cœur ou les mains.
Quels supports peuvent aider ?
Des ateliers vivants, des discussions, des vidéos, de la créativité. L’humour et la bienveillance éveillent la curiosité bien plus que la peur.
Quel rôle jouent les parents et enseignants ?
Ils montrent l’exemple : parler du corps sans gêne, écouter sans juger. Valider les émotions des jeunes (« Tu as peur ? C’est normal ») les aide à se sentir en sécurité et à comprendre que prendre soin de soi, c’est une belle forme de respect.













