
Comme chaque année, le Royaume rejoint la mobilisation mondiale d’Octobre Rose. Le ministère de la Santé et de la Protection sociale déploie une campagne nationale qui couvre tout le territoire : sensibilisation, dépistage précoce du cancer du sein, et information sur la vaccination HPV des jeunes filles de 11 ans pour prévenir le cancer du col de l’utérus. L’enjeu est clair : détecter plus tôt pour soigner mieux.
Message clé de la campagne : plus le diagnostic est précoce, meilleures sont les chances de traitement et de survie.
Inscrite dans le Plan national de prévention et de contrôle du cancer (2020-2029), l’action s’appuie sur une offre structurée : 57 centres de référence en santé reproductive, 12 centres régionaux d’oncologie, deux pôles d’excellence en oncologie gynéco-mammaire (CHU Rabat et Casablanca) et 27 unités mobiles de mammographie pour rapprocher le dépistage des zones rurales et éloignées.
Qui est concerné ? Les femmes de 40 à 69 ans sont invitées à un dépistage régulier. Si les trois quarts des cas surviennent après 50 ans, une étude menée à Rabat et Casablanca (1 901 patientes, 2008-2017) rappelle qu’une part importante touche aussi des femmes de moins de 50 ans. D’où l’importance d’une information accessible et d’un accompagnement de proximité.
Des progrès sont là — 64,5 % des cancers du sein sont aujourd’hui diagnostiqués aux stades I et II — mais des freins persistent : disparités territoriales, délais diagnostiques, coûts indirects. La campagne d’Octobre Rose fédère acteurs publics, associations et société civile pour lever ces obstacles et encourager les gestes qui sauvent : s’informer, se faire dépister, orienter ses proches.
Le cancer du sein au Maroc
13,4 %
Le cancer est la 2e cause de mortalité (13,4 % des décès).
≈ 40 000
nouveaux cas de cancers/an.
39,1 %
Chez les femmes, le sein représente 39,1 % des cancers (données 2018-2021).
64,5 % des cancers du sein sont diagnostiqués aux stades I–II.
≈ 75 %
Tranche ciblée : 40–69 ans ;
≈ 75 % des cas après 50 ans.
1/8
1 femme sur 8 pourrait être concernée au cours de sa vie.
Dispositif public
57 centres de référence,
12 centres régionaux d’oncologie,
2 pôles d’excellence,
27 unités mobiles de mammographie.
Témoignages
Naoualle Khizani
« Quand la maladie devient mission de vie »
Après 12 ans de dépistages réguliers, Naoualle Khizani découvre à 55 ans un cancer du sein et une mutation BRCA2 familiale. Entre septicémie, opérations en chaîne et reconstruction, elle transforme l’épreuve en mission : informer et soutenir. Voici son témoignage bouleversant et surtout inspirant.
J’ai commencé le dépistage précoce à 43 ans, en suivant scrupuleusement les recommandations médicales pendant douze années. À 55 ans, un cancer du sein a été diagnostiqué, preuve que la vigilance doit rester constante ! Je n’étais pas la seule dans ma famille à être touchée : j’étais le deuxième cas de cancer du sein et d’autres formes de cancer avaient déjà frappé. Pourtant, cette histoire familiale significative n’avait pas alerté mes médecins au début. C’est sous l’insistance de mes proches, qui persistaient à dire que ce n’était pas une coïncidence, que j’ai consulté un généticien. Il a confirmé que j’étais porteuse de la mutation BRCA2, une prédisposition présente dans la famille depuis au moins trois générations.
Le parcours de traitement a été particulièrement rude : tumorectomie, chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie, puis recommandation d’une mastectomie bilatérale. L’intervention s’est très mal passée : j’ai fait une septicémie, frôlant ainsi la mort. S’en sont suivies trois opérations lourdes en treize jours. Mon corps en est ressorti meurtri et mon esprit, dépressif. L’adhésion à l’association Dar Zhor et l’accompagnement en médecine intégrative m’ont permis d’amorcer la reconstruction. La formation de « patiente partenaire » a ensuite été une révélation : elle a redonné du sens à mon histoire.
Aujourd’hui, de femme au foyer, je suis devenue patiente partenaire et je consacre mon énergie à sensibiliser aux mutations génétiques BRCA sur les réseaux sociaux. Mon objectif est double : informer les familles à antécédents de l’importance du dépistage génétique et soutenir celles qui traversent ce parcours, en partageant mon expérience pour briser les tabous. Cette formation m’a donné les outils pour transformer mon vécu en une expertise utile à la communauté.

Yann Karim Chennaoui
« De la peur à l’apaisement »
Hypnothérapeute formé à l’ARCHE Paris, Yann Karim Chennaoui accompagne régulièrement des femmes touchées par un cancer du sein. Son approche, complémentaire aux soins médicaux, aide à apprivoiser la peur, mobiliser ses ressources intérieures et traverser chaque étape du parcours avec davantage d’apaisement. Entretien.
Voyez-vous souvent un « avant » et un « après » chez les femmes que vous suivez ?
Oui. Avant, il y a la peur, l’incertitude, la douleur. Après, s’installent peu à peu résilience, calme et confiance — en soi et en la vie. Ce n’est pas magique : c’est un chemin d’apaisement intérieur qui change la façon de se voir et de voir le monde. L’hypnose peut faciliter ce chemin.
Face au choc du diagnostic, que peut l’hypnose ?
Le mot « cancer » déclenche souvent un choc émotionnel intense. L’hypnose offre un espace de sécurité intérieure pour mettre à distance la peur immédiate, retrouver un second souffle et se recentrer grâce à la respiration, la détente et la mobilisation des ressources personnelles.
Pendant les traitements, quel rôle peut-elle jouer ?
De plus en plus utilisée en milieu hospitalier, en Europe comme outre-Atlantique, l’hypnose peut aider à mieux tolérer douleur et effets secondaires en agissant sur la perception et l’anxiété. L’apprentissage de l’autohypnose rend aussi les séances (chimio, radiothérapie) plus supportables.
Après un changement corporel lié aux traitements ?
L’hypnose agit sur l’estime de soi et l’image corporelle. On ravive la confiance, on réaffirme sa féminité, même après une chirurgie ou une perte de cheveux. On identifie et valorise d’autres caractéristiques personnelles (comportementales et identitaires) avec lesquelles avancer.
Un message d’espoir pour Octobre Rose ?
Vous avez en vous des ressources incroyables. En complément des soins, l’hypnose est un outil pour les activer et passer, peu à peu, de l’ombre à la lumière.










