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Témoignages
Ce que j’ai (ré)appris de ma famille cet été-là

By août 18, 2025 Parents

Trois récits, trois regards sur un été marquant : un saut vers l’autonomie, les plaisirs simples d’autrefois ou le lâcher-prise d’une jeune mère face aux injonctions croisées de trois générations de femmes. Parce que l’été, parfois, nous en dit plus sur nos proches… et sur nous-mêmes. Témoignages.

 

Houssam
Rite de passage aquatique
«C’était l’été de mes 18 ans. Nous étions partis randonner à Akchour avec mes parents, mes oncles et tantes ; en très grand groupe comme d’habitude. L’eau était abondante cette année-là… Évidemment, je sautais et plongeais partout, pendant que ma mère me répétait sans cesse «andek, andek, andek».
Au cours du circuit, une occasion de tenter un plongeon particulier se présente. Le saut était cependant assez périlleux. Il fallait se pencher au-dessus du ravin pour apercevoir une issue entre les rochers et les branchages. Ma mère, postée quelques mètres plus loin, ne voyait que le vide et son fils prêt à s’élancer ! L’anxiété me gagne aussi, mais l’envie l’emporte. Trois autres gaillards me dépassent et sautent. Je me retourne. Un dernier regard à ma mère.
J’y lis sa peur, mais aussi qu’elle a saisi ma détermination. L’échange fut bref, silencieux, mais mémorable. J’ai senti qu’elle m’avait accordé sa confiance, pleine et entière. Comme si, d’un coup, elle acceptait que je fasse mes propres choix. Elle avait ravalé ses inquiétudes, toutes ses peurs qui freinaient mes élans… Je saute !
En remontant, je suis accueilli par les rires. Ceux de ma mère aussi, comme si de rien n’était. Il y avait eu un vrai changement dans sa manière de me voir, de considérer le risque, le contrôle, la peur… Un déclic. Le plus drôle ? Peu après cet épisode, maman ne voulait plus que papa prenne le volant quand nous étions tous les trois. Elle se disait plus sereine si c’était moi qui conduisais. Je venais tout juste d’obtenir mon permis»

Amina
«Seddari portables» vs génération blasée
«31 mai 1961. Les trois mois de vacances commencent ! Je devais avoir sept ans à peine, je m’en souviens comme si c’était hier. Nous déménagions les «seddari» de la maison de Kenitra pour prendre nos quartiers à Mehdia. On s’entassait comme on pouvait dans le salon de la maison qui donnait sur cette immense plage. Six frères et sœurs, de tous âges. Dodos tête-bêche, matelas à même le sol. Confort spartiate, mais le plus beau des palaces à nos yeux ! Je me souviens des rires. De ma mère, qui passait toute la journée dans la cuisine, – quand j’y pense on ne le réalisait même pas… De mon père qui repartait quotidiennement au travail à Kenitra. On dévalait les rues pieds nus, en courant, dès l’aube, pour ne rien manquer des journées de baignades. Avec mon plus jeune frère, j’avais appris qu’en joignant et apposant mes mains sur mon ventre, tout en m’allongeant sur la plage pendant le ressac, se dessinaient des cœurs de sable sur mon corps d’enfant. Pochoirs éphémères et improvisés. Une vingtaine d’étés plus tard, d’autres rires ont résonné sur ces mêmes murs. Les enfants ont grandi. La ville balnéaire aussi. Tout a changé… Avec mes petits-enfants, retrouver ces plaisirs simples me semble compliqué. J’ai le sentiment qu’ils n’ont plus le temps, qu’ils (pensent) savoir trop de choses…Trop d’activités, trop de stimulations… Cependant, de temps à autre, l’un d’eux m’accompagne jardiner, d’autres s’entraînent à viser avec un tire-boulette dans le jardin, sous la supervision avisée et experte de leur grand-père… Et les rires résonnent à nouveau.»

Syham
Maternité en trois temps
«Je me souviens de cet été. Ma fille avait soufflé sa première bougie. Elle allait découvrir le rituel estival des vacances en famille, au nord, chez mamie. Cet été, pour la toute première fois, trois générations de mères ont cohabité… pour le meilleur et pour le pire (rire?)!
Au cours d’une seule et même journée, j’étais tour à tour, la “fille de ma mère” qui se faisait “engueuler” vertement parce que je n’en faisais pas assez à la maison; j’étais “la petite-fille chérie de ma grand-mère” à qui tout était dû ; tout en me débattant avec ma toute récente maternité et ces identités multiples… De quoi perdre la boule !
Moi, mère d’un petit poupon, nourrie aux injonctions et consignes modernes et bienveillantes versus une primo-mamie gaga (ma mère) et une arrière-grand-mère encore plus «gâteaux». Le combat était perdu d’avance ! Mes approches et tentatives d’éducation passaient directement à la trappe. Toutes les règles que je m’évertuais à imposer – pas de glaces, ni bonbons, ni écrans, etc – volaient en éclats en un rien de temps, sous l’argument massue de mon arrière-grand-mère : «À ton âge, j’élevais mon septième enfant !»… Mais également sous l’influence de ma mère qui me voyait comme une «non-sachante psychorigide»…
Cet été-là, j’ai appris le lâcher-prise. En séjournant sous ce toit, j’acceptais d’entrer dans le cercle vertueux de la transmission et d’offrir cette chance à ma fille. Je revois ma grand-mère, revigorée, courant — littéralement — derrière mon bébé, montant et descendant les escaliers malgré son âge. Souvenirs anodins… et impérissables.»