Karim Taissir est un Marocain qui porte dans son cœur, la passion de la musique de son pays. Tom Cohen est un chef d’orchestre. De la rencontre de ces deux hommes naît l’orchestre philharmonique Symphonyat. Du 29 septembre au 1er octobre 2022, Casablanca a baigné dans les sonorités produites par cet orchestre. L’événement s’est produit à l’Hippodrome de la grande ville portuaire du Maroc.
Le succès de cette édition (la deuxième) ne pouvait pas mieux succéder à la première qui s’est tenue en septembre 2019. Retour sur ces trois jours d’hommage rendu au patrimoine musical du Maroc par plus d’une quarantaine de musiciens.
Un événement tant attendu depuis sa première édition
En septembre 2019, l’orchestre philharmonique Symphonyat s’est produit pour sa première fois à Casablanca. Durant cette première édition, il a séduit des centaines de personnes. Pour y arriver, l’orchestre avait repris des classiques qu’il a réorchestrés. Les répertoires qu’il a visités sont chaâbi, malhoun, judéo-marocain, amazigh, gharnati, etc.
Sous la direction de Tom Cohen, un éminent chef d’orchestre, Symphonyat a redonné de la vie et de la couleur à des titres cultes du patrimoine historique musical du Maroc. En 2019, l’hommage a été rendu à cet héritage musical par plusieurs voix célèbres, dont celles de Sanaa Marahati, Neta El Kayam, Nabila Maan et Mohamed El Asri. Toutes ces voix étaient accompagnées par Omri Mor (piano), Karim Ziad (batterie) et Fadel Manna (violon).
Cet hommage avait des notes d’un message de paix et d’amour. En effet, d’après Karim Taissir, la première édition devrait démontrer que la musique est une arme pacifique qui lorsqu’elle pénètre les cœurs, brise les barrières religieuses, linguistiques et de nationalité. Pour sa part, Tom Cohen, le directeur artistique de Symphonyat affirme que si cet objectif a pu être atteint dans un contexte actuel de conflits dans le monde, il l’aurait été davantage si nous étions en temps de paix.
Avec le succès de la première édition, c’est bien logique que la seconde soit impatiemment attendue du public marocain. Cette deuxième édition du Symphonyat ambitionnait de projeter de la lumière sur la musique marocaine afin d’en faire un patrimoine universel. Depuis le Maroc, elle devait permettre de faire passer un message qui fédère tout le monde.
Se sont joints à cette deuxième édition du Symphonyat, plusieurs artistes de renom, dont Sama Choufani, Latifa Raafat, Maxime Karoutchi, Mehdi Nassouli. L’édition numéro 2 de Symphonyat s’est tenue sur trois jours cette année pour permettre à un maximum de personnes de découvrir pour la première ou seconde fois et d’apprécier l’orchestre philharmonique Symphonyat.
Cette édition du Symphonyat a été organisée par l’Association Avempace avec le soutien de la CIH Bank dans le rôle du sponsor officiel. D’autres partenaires ont été également de la partie. Il s’agit de Casablanca Events et Animation (WeCasablanca), Royal Air Maroc, Fondation Hiba, Jamain Baco, Smeia et la Société Royale d’Encouragement du Cheval (Sorec). 2M tv et 2M Radio étaient dans le rôle de partenaire presse officiel de l’événement.
Le message porté par Symphonyat
Les deux hommes n’ont pas la prétention de pouvoir changer le monde à travers l’orchestre philharmonique Symphonyat. Toutefois, ils sont convaincus que le fait qu’en temps de conflit, cet orchestre parvienne à se créer et à faire collaborer des personnes de religions et cultures diverses est un signe que l’humanité peut faire de très grandes choses en temps de paix.
Symphonyat est le témoignage de l’ouverture d’esprit dont est capable le peuple marocain. Ce dernier voit que la diversité est une richesse. Il n’est pas évident que ce projet puisse réussir ailleurs tel qu’il l’a été au Maroc.
Symphonyat : comment tout a-t-il commencé ?
Karim Taissir est un amoureux de la musique marocaine. De son aveu, l’idée de monter un orchestre philharmonique lui est venue en 2012 lorsqu’il a visionné sur YouTube les concerts de Tom Cohen. Il a trouvé que Tom magnifiait à la perfection la musique marocaine. Pendant des vacances qu’il passait au Vietnam, il est allé dans un restaurant. Ce jour-là dans l’établissement, les clients d’origines diverses étaient appelés à partager la musique de leur pays.
Lorsque vint son tour de partager la musique de son pays, Karim joua un morceau de Tom Cohen. Tous ceux qui étaient présents dans le restaurant ont apprécié. Ce fut pour lui, une expérience qui témoigne du fait que la musique pouvait aider à nouer des liens entre humains d’origines diverses. Avec cette musique, il était devenu pendant quelques minutes, l’ambassadeur de son pays le Maroc. Il rentra au pays convaincu qu’il utiliserait cette musique à bon escient.
En 2015, Tom Cohen reçut un message de Karim Taissir depuis Facebook. Les deux hommes ne se connaissaient pas à l’époque et ne s’étaient encore jamais vus. Dans son message, Karim disait à quel point il apprécie la musique de Tom. Aussi était-il surpris que ce dernier ne se soit jamais produit au Maroc. Dans son message, Karim demandait à Tom de l’informer à propos des démarches à effectuer aux fins de mettre sur pied, un orchestre philharmonique.
Pour Tom, c’était un message que l’on ne reçoit pas tous les jours. Toutefois, il a produit un cahier des charges qu’il a envoyé ensuite à Karim. Ce fut de sa part, un geste très généreux. Dès qu’il reçut les directives de Tom, Karim se mit au travail. Il contacta la Fondation Hiba qui lui promit avec assurance de le soutenir. Le plus gros du travail était de constituer l’orchestre. Il établit à cet effet plusieurs critères dont les principaux sont l’excellence et la mixité.
Après 3 mois, Karim informe Tom toujours via un message qu’il avait effectué les démarches et qu’il attendait sa descente au Maroc afin de faire passer aux musiciens, les auditions. Ce que le musicien ne tarda pas à faire. À l’audition, il n’y avait que de très talentueux musiciens de diverses nationalités. À Casablanca dans les studios de la Fondation Hiba, ce sont déroulées les auditions qui ont duré une semaine. C’est dans ces locaux que l’orchestre philharmonique Symphonyat vit officiellement le jour.
Les nouveautés apportées par la deuxième édition de Symphonyat à Casablanca
La principale nouveauté de cette édition a été la programmation de deux dates pour que l’orchestre puisse se produire et permettre au public d’en profiter au maximum. Pour cette édition, Mehdi Nassouli a introduit une composition gnaouie dans la représentation. La célèbre Latifa Raafat a été cette année, de la partie. Tout le public ainsi que les membres de l’orchestre ont montré à quel point ils avaient hâte que cette deuxième édition se tienne.
Comment les deux hommes ont-ils rencontré la musique marocaine ?
Comme l’on pourrait le deviner aisément, chacun des deux hommes a rencontré la musique d’une manière particulière.
Tom Cohen à la rencontre de la musique marocaine
Il a passé toute son enfance à Beer Sheva dans une communauté où des juifs originaires du Maroc étaient nombreux. Ce qui l’a fait très tôt rencontrer la musique marocaine dont il aperçut les singularités. Pendant de nombreuses années, Tom Cohen a interprété avec succès plusieurs titres du répertoire marocain. Toutefois, il recevait des critiques de la part des puristes. Ces derniers lui reprochaient de ne pas être authentique dans son interprétation de ces morceaux.
La création de l’orchestre philharmonique Symphonyat fut une étape très marquante de sa carrière. En effet, en raison du lieu de naissance (Maroc) de ce projet, cela lui a apporté de la légitimité dans cette musique. Les critiques ont cessé immédiatement.
Ce qu’il fait en collaboration avec Karim Taissir sur le répertoire musical du Maroc est loin d’être une révolution. C’est plutôt une évolution de ce répertoire musical. Il s’agit d’un projet qui découle d’une grande vision. Il a permis à un juif et un musulman de collaborer et de réussir cette collaboration.
Pour interpréter les morceaux qu’il choisit pour l’orchestre, il fait en sorte que la diversité des instruments sur scène aboutisse à un langage unique. Ensemble avec les membres de l’orchestre, il transpose le maqam dans un cadre inhabituel qui est celui d’un orchestre classique. De cette transposition et de la diversité des instruments se crée organiquement une harmonie parfaite. Cela était l’objectif de Tom Cohen.
Pour Tom Cohen, la première édition de représentation de Symphonyat fut une expérience unique. En plus d’en avoir été pleinement satisfait, il est convaincu désormais d’avoir une autre famille au Maroc. Pour lui, désormais Karim est un frère. Des liens forts se sont également établis entre lui et les autres membres de l’orchestre ainsi qu’avec ceux qui ont contribué au succès de cet événement. Au sein de l’orchestre, tout le monde y compris le public pouvait sentir une convivialité hors du commun. C’est sans hésitation qu’il a accepté de jumeler son orchestre avec celui de Symphonyat. Ce fut un jumelage réussi en raison de l’esprit d’amour et d’ouverture qui caractérisait ces deux orchestres.
Karim Taissir à la rencontre de la musique marocaine
Dès son enfance, Karim a rencontré la musique de son pays le Maroc. En effet, son grand-père était propriétaire d’une place de fêtes qui accueillait des cérémonies de noces. Il y a vu se produire de nombreux musiciens comme les frères Mernissi, Pinhas et Marcel Botbol. Ces musiciens animaient les cérémonies de mariage avec leurs riches répertoires musicaux qui ne laissaient pas Karim indifférent. Lorsque vint le moment pour lui de se rendre en France pour ses études, il alla chez Jalal, un disquaire très connu à Verdun. Il y acheta plusieurs cassettes, dont ceux de Samy Lmaghribi, Salim Lahlali, Samy Lmaghribi, Nass Al Ghiwane, Houcine Slaoui et Mike Karoutchi.
Pour lui aussi, le projet de création de l’orchestre philharmonique Symphonyat a été un épisode très important de sa vie. Aussi, pour réussir, il choisit les morceaux ainsi que les musiciens en tenant compte de son instinct. Il suit également les conseils de professionnels dont il s’est fait entourer. Le choix des titres se base aussi sur les critères de diversité musicale du Maroc. L’objectif étant de valoriser tout le patrimoine musical du Maroc, aucun rythme ne doit manquer d’être représenté dans l’ensemble des titres choisis. Tom Cohen est celui qui valide ensuite tout.
En ce qui concerne les musiciens, il y en a selon Karim qui sont indispensables. Il s’agit par exemple d’Omri Mor (pianiste) et de Karim Ziad (batteur). Vu que les composantes de l’orchestre Symphonyat sont diverses (amazighe, juive, châabi, andalouse…), Karim et Tom sollicitent les artistes qui représentent au mieux tous ces genres. Ce sont des musiciens ayant conscience de l’originalité de cet orchestre. L’objectif n’est pas de générer des revenus, mais de valoriser au Maroc et ailleurs le patrimoine musical marocain.