L7sla veut dire l’impasse. Mais c’est aussi une des chansons mythiques du groupe Lemchaheb. Avec Jil Jilala et Nass El Ghiwane, Lemchaheb ont symbolisé dans les années 70 l’âge d’or de la musique populaire marocaine et également l’âme de Hay Mohammadi. Un quartier qui était alors «le» vivier de tant d’artistes, d’écrivains, de sportifs, qui ont fait la fierté du Maroc.
Cinquante ans plus tard, Sonia Terrab, la réalisatrice, est allée à la rencontre de ce passé glorieux. Si les anciens se remémorent avec nostalgie et fierté le passé glorieux du Hay, pour les plus jeunes, H&M (Hay Mohammadi comme ils l’appelle) «n’est plus qu’une périphérie pauvre de la métropole casablancaise où les âmes s’entassent et les rêves se brisent sur l’autel de la misère» nous dit-elle. En somme L7sla.
Son immersion durera un an. Elle suivra au quotidien et à différents moments de leur vie Neknouki, Mouad, Achraf, Wawa, Midou, Ayoub et tant d’autres. Elle prendra le temps de se faire accepter et donnera la parole à ceux qui s’estiment des « sans voix ». Sans tabous, elle documente des vies qui défilent et où chaque jour ressemble au précédent, encore et encore : derb, foot, drogue, petits deals, chômage, hrig, solidarité.
Des Seventies et de Lemchaheb, il ne reste plus que L7sla. Mais à regarder de plus près, l’énergie, l’effervescence et la créativité sont intactes. Si le quartier a vibré jadis avec les groupes mythiques du Hay, aujourd’hui ce sont les paroles des chansons des ultras du Raja qui portent cette jeunesse et la bercent.
L7sala est le portait d’un quartier comme nul autre pareil mais c’est aussi le portrait d’une jeunesse perdue et incomprise mais qui ne demande qu’à s’exprimer et avoir droit au rêve.
Résumé court
Une immersion documentaire de près d’un an auprès des jeunes du quartier mythique de Hay Mohammadi à Casablanca, entre parole brute, nostalgie du passé et amour pour l’équipe de foot du Raja, portée par la musique du groupe Lemchaheb. Une jeunesse dans l’impasse (L7sla) mais qui garde espoir.
Pourquoi ce film ? (Note de Sonia Terrab)
Mon idée de départ était de faire un film traversé par la musique du fameux groupe marocain Lemchaheb, en particulier une chanson : L7sla (L’impasse), chanson mythique des années 70 dont les paroles résonnent plus que jamais avec l’actualité, un morceau prémonitoire, visionnaire.
Le but : aller à la rencontre de la jeunesse du Hay, avec pour prétexte cette chanson et ce qu’elle représente, une question en tête : «est-ce que tu connais L7sla (L’impasse)?» Une question qui provoque, et donne l’essence du film, et donc son titre.
Pourquoi le Hay? Parce-que c’est ce même quartier qui a vu naitre Lemchaheb et tant d’autres. Un quartier qui était un catalyseur, un vivier de talents dans les années 70, et qui a produit tant d’artistes, d’écrivains, de sportifs, qui ont fait la fierté du Maroc. Symbole de l’âge d’or de la création marocaine. De nos jours, le Hay n’est plus qu’une périphérie pauvre de la métropole casablancaise où les âmes s’entassent et les rêves se brisent sur l’autel de la misère. En filmant ce quartier, en allant à la quête de ce passé glorieux, je souhaitais questionner la transmission : où est parti cet esprit ? Que reste-t-il de cette époque aux jeunes de maintenant ? Qui sont les Lemchaheb aujourd’hui ? Les héritiers ? En restent-ils d’ailleurs ? Et comment allumer l’étincelle à nouveau ?
En cours de route, j’ai découvert que si la nostalgie du passé était encore bien présente au Hay, l’énergie des seventies, les restes de cette créativité, cette effervescence, ont convergé vers un amour différent, celui du foot et en particulier de l’équipe casablancaise du Raja. Une des équipes les plus emblématique au Maroc (avec sa rivale le Wydad), dite l’équipe du peuple.
Si le quartier a vibré auparavant avec la musique de Lemchaheb et de Nass el Ghiwane, aujourd’hui c’est les paroles des chansons des ultras du Raja qui portent cette jeunesse et la bercent.
Résultat : Un portrait de quartier qui devient ainsi un portrait d’une société, d’une jeunesse, d’un pays complexe, entre les poètes du passé et ceux du présent : cette nouvelle génération, perdue, incomprise, mais qui le plus souvent ne demande qu’à être entendue, reconnue.